

La diffusion d’une vidéo montrant le geste violent d’une institutrice sur une élève de 3 ans en classe, à Paris, en septembre 2024, avait suscité une vague d’indignation, et la suspension de l’enseignante. Celle-ci, âgée de 52 ans, a été condamnée, vendredi 21 février à 3 000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis, après avoir perdu son « sang-froid ».
Le tribunal correctionnel de Paris a décidé de ne pas inscrire cette condamnation à son casier judiciaire. Les juges ont tenu compte de « l’intensité du coup porté », ainsi que du contexte de « forte pression » pesant sur l’institutrice, et du fait qu’il s’agissait d’un « fait isolé ».
La prévenue devra en outre verser au total 1 600 euros de dommages et intérêts, ainsi que 1 000 euros à la mère de la victime, sa représentante légale. Bien moins que les quelque 20 000 euros demandés.
L’enseignante est « soulagée », a déclaré à la presse son avocat, Me Laurent Hazan. Pour la partie civile, Me Vanessa Edberg a estimé que « justice a été rendue » et que l’enfant, qui a changé d’école, va mieux. Le parquet avait requis quatre mois de prison avec sursis.
Scène filmée par une mère d’élève
Filmée par une mère d’élève, la vidéo de la scène montrait l’institutrice asséner un violent coup au niveau du dos à une petite fille en larmes, dans l’école maternelle des Frères-Voisin, située dans le 15e arrondissement de Paris.
Ce 3 septembre était un lendemain de rentrée difficile dans cette classe de petite section de maternelle, où l’enseignante a 29 élèves à accueillir, certains atteints de handicap.
Selon le récit de l’institutrice, la fillette vit mal la séparation d’avec sa mère. Elle fait « une crise d’hystérie » comme l’enseignante n’en avait « jamais vu » en près de trente ans de carrière. L’enfant jette une chaise, qui frôle l’un de ses petits camarades. « J’ai eu peur qu’elle se blesse ou qu’elle blesse un autre élève », raconte-t-elle au tribunal. « J’ai perdu mon sang-froid », « perdu mes moyens », s’étrangle l’institutrice, prise de sanglots.
L’enseignante veut lui donner une « tape sur les fesses », qui touchera en fait son dos. L’enfant continue sa « crise », « a pris des papiers sur mon bureau qu’elle a balancés par terre », l’institutrice lui asperge le visage d’eau avec un vaporisateur qui sert pour rafraîchir les enfants quand il fait chaud.
« Tsunami »
« J’ai tout de suite réalisé que j’avais commis une faute professionnelle », explique l’enseignante. Elle évoque la perte d’un proche juste avant la rentrée, après un été durant lequel elle a connu des problèmes de santé. « Je suis quand même allée au travail » ce jour-là, raconte-t-elle, car « quand on est absent on n’est jamais remplacé ». « Je me suis peut-être surestimée par rapport à mon état ».
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La part des choses ? « C’est un tout », répond-elle, « j’ai du mal à quantifier ».
La très large médiatisation a été un « tsunami », poursuit l’enseignante, « passionnée » par ce métier qu’elle voudrait reprendre, « mais pas dans une école aussi difficile ».
Car l’école des Frères-Voisin devrait selon elle être classée réseau d’éducation prioritaire, et bénéficier de davantage de moyens : « niveau conditions de travail, c’est intenable », avec « de plus en plus d’élèves » et « de plus en plus d’élèves en situation de handicap ».
Elle est depuis les faits suspendue par l’éducation nationale.
« Certificats de complaisance »
Tenant à présenter ses « excuses » à l’enfant et sa famille, elle dit souhaiter un retour à une vie normale, que ce soit pour elle ou pour l’enfant.
Pour l’avocate de la mère de la petite fille, Me Vanessa Edberg, l’enseignante aurait dû « se mettre à hauteur de cette enfant », qui attendait avec impatience sa première rentrée scolaire. Affirmant que l’enfant qu’elle décrit comme traumatisée n’a pas pu retrouver le chemin de l’école avec confiance, elle a demandé 4 000 euros pour le préjudice physique, 15 000 pour le préjudice psychologique.
« On a créé du buzz (…) pour vous demander des indemnités exorbitantes », s’est insurgé le conseil de l’enseignante soulignant que « la justice se rend ici, pas sur les plateaux télé ».
« C’est quasiment une victime d’acte de terrorisme », a plaidé Me Laurent Hazan, s’en prenant aux « certificats de complaisance, ou en tout cas peu sérieux et peu crédibles » invoqués par la partie civile. Pour sa cliente « à la carrière irréprochable », qui « regrette ce qu’elle a fait » et a « spontanément engagé un travail de thérapie », il avait demandé au tribunal de prononcer une dispense de peine.