A Munich, la démocratie selon J. D. Vance sidère les Européens

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Le vice-président des Etats-Unis, J. D. Vance (deuxième à droite), et le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, (au centre), lors d’une réunion avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, en Allemagne, le vendredi 14 février 2025.

Il était attendu sur l’Ukraine, il a préféré donner aux Européens une leçon sur la démocratie, épousant les vues des partis extrémistes. A Munich, vendredi, le vice-président américain, J. D. Vance, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et ses alliés européens, notamment l’Allemagne.

A la Conférence de Munich sur la sécurité, il n’a fait qu’effleurer le dossier ukrainien et la feuille de route des Etats-Unis en vue de mettre fin aux hostilités pour se concentrer sur un discours à charge contre les Européens, des alliés historiques de son pays au sein de l’OTAN, à propos du respect du droit de vote et de la liberté d’expression. « En Grande-Bretagne et à travers l’Europe, la liberté d’expression, je le crains, est en retrait », a-t-il déclaré, causant la stupeur dans son auditoire.

Plus que « la Russie », « la Chine » ou « un autre acteur externe », a-t-il déclaré, « ce qui m’inquiète, c’est (…) le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, valeurs partagées avec les Etats-Unis d’Amérique ». Sous la direction du « shérif » Donald Trump, « nous nous battrons pour défendre votre droit de les exprimer dans l’espace public », a-t-il affirmé.

Emboîtant le pas à son vice-président, le président américain, Donald Trump, a également évoqué la menace pesant, selon lui, sur le « droit à la liberté d’expression » en Europe. « L’Europe est en train de perdre son merveilleux droit à la liberté d’expression », a-t-il déclaré, en réponse à une question sur le discours de J. D. Vance. « L’Europe a un gros problème d’immigration », a-t-il ajouté.

« Humiliation totale »

J. D. Vance a en particulier évoqué le cas de la Roumanie, où le premier tour de la présidentielle a été annulé par la Cour constitutionnelle. Le candidat d’extrême droite, Calin Georgescu, était arrivé contre toute attente en tête du scrutin avec plus de 20 % des voix, en faisant principalement campagne sur la plateforme chinoise TikTok, soupçonnée d’avoir été manipulée.

La décision d’annuler cette élection s’est faite « sur la base des faibles soupçons d’une agence de renseignement », a estimé J. D. Vance, dénonçant « une énorme pression de ses voisins continentaux » sur la Roumanie. Si « votre démocratie peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité numérique d’un pays étranger, alors elle n’est pas très forte », a-t-il lâché.

Ce discours devant le gotha mondial de la diplomatie et de la défense a laissé les dirigeants européens « choqués » par cette « humiliation totale », a assuré sur le réseau social X le député ukrainien Oleksiy Goncharenko, présent à Munich.

Le pays hôte, l’Allemagne, n’a pas été épargné quand J. D. Vance a fustigé le consensus autour d’un « cordon sanitaire » empêchant l’extrême droite d’accéder au pouvoir. Le candidat conservateur Friedrich Merz, le favori des sondages pour les législatives allemandes du 23 février, a réaffirmé dimanche que son parti chrétien-démocrate (CDU) ne nouerait jamais d’alliance avec le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).

« Ce à quoi la démocratie allemande », comme toutes les autres, « ne peut survivre, c’est de dire à des millions d’électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations (…) ne méritent même pas d’être prises en considération », a martelé J. D. Vance. Cet appel a été vécu à Berlin comme une nouvelle ingérence de l’administration de Donald Trump dans la campagne électorale, après les soutiens répétés apportés par le milliardaire Elon Musk à l’AfD.

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Le chancelier Olaf Scholz a « rejeté expressément » les propos de J. D. Vance. « De l’expérience du national-socialisme, les partis démocratiques en Allemagne ont tiré un consensus général : c’est le mur pare-feu [équivalent du cordon sanitaire] contre les partis d’extrême droite », a-t-il réagi sur X.

Cela n’a pas dissuadé JJ. D. Vance d’ensuite rencontrer dans un hôtel de Munich la candidate de l’AfD, Alice Weidel, comme l’a confirmé un responsable de son équipe. Le vice-président « a rencontré tous les dirigeants des principaux partis politiques allemands », à savoir M. Merz vendredi à Munich et M. Scholz en début de semaine à Paris, a fait valoir la même source.

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Associated Press interdite d’accès au bureau Ovale

J. D. Vance a également ciblé la Suède pour avoir condamné le camarade de Salwan Momika, un homme tué fin janvier après avoir suscité la colère de pays musulmans en brûlant des exemplaires du Coran. Contacté par l’Agence France-Presse, le ministre de la justice, Gunnar Strömmer, a répondu que la Suède disposait de « l’une des protections les plus étendues de la liberté d’expression dans le monde », mais que celle-ci n’était pas « illimitée ».

S’exprimant après J. D. Vance à la tribune, le ministre allemand de la défense, Boris Pistorius, a qualifié ses propos de « non acceptables ». En Allemagne, « des partis extrémistes comme l’AfD » peuvent « faire une campagne électorale tout à fait normale », a-t-il répliqué, soulignant la présence d’Alice Weidel « en prime time à la télévision » la veille. Et « des médias diffusant la propagande russe sont également autorisés » dans les conférences de presse du gouvernement, a-t-il aussi affirmé.

A Washington, l’agence Associated Press est interdite d’accès au bureau Ovale et à l’avion officiel de Donald Trump, Air Force One, pour une durée illimitée, en raison de son refus d’appeler le golfe du Mexique « golfe d’Amérique », a annoncé vendredi la présidence américaine. L’agence de presse américaine, qui déplore depuis mardi que ses journalistes soient privés d’accès à des événements à la Maison Blanche à cause de son refus de s’aligner sur ce nouveau nom choisi par le président républicain, a dénoncé une « escalade très inquiétante ».

Le Monde avec AFP

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