A Monaco, la chute de l’homme qui en savait trop

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Les mots claquent, ce 6 juin 2023, même si le courrier est agrémenté d’un « cher Monsieur Palmero » et se conclut sur de « sincères salutations ». Les termes sont éloquents : « Veuillez à partir de ce jour ne plus signer aucun engagement et ne plus vous présenter au palais princier. » La lettre, signée Albert de Monaco, est destinée à celui qui le sert depuis près de vingt ans : l’administrateur des biens de la famille souveraine, Claude Palmero. L’homme chargé de gérer ses comptes, même les plus confidentiels ; le préposé aux missions délicates, y compris les moins avouables ; le comptable qui a su garder à l’abri des regards et faire fructifier la fortune des Grimaldi (plus de 1 milliard d’euros) à travers une myriade de sociétés dont il fut, de son propre aveu, le prête-nom.

Que s’est-il passé ? M. Palmero est simplement allé trop loin. Peut-être, aussi, a-t-il cédé au syndrome très monégasque de l’impunité, voire à celui de la toute-puissance. Grâce à ses réseaux, cet expert-comptable de 67 ans était devenu la personne la mieux renseignée du Rocher. Surtout, il s’est mêlé de ce qui ne le regardait pas : le mirifique marché immobilier monégasque, sur lequel règne le multimilliardaire Patrice Pastor.

« Toute cette affaire tourne autour de la corruption que je dénonçais de plus en plus fortement depuis des années, explique Claude Palmero au Monde. Il fallait me sortir avec pertes et fracas. » Mais, en écartant son pion principal, en l’accusant de détournement de fonds, le prince a créé une machine de guerre. Car l’homme de confiance devenu paria va se rebiffer, muni de sa mémoire et de quelques documents précieux, dont cinq grands cahiers dans lesquels il a retranscrit, au fil des années, ses états d’âme et ses échanges avec son « patron », Albert II. « Mon honneur vaut bien plus que de l’argent », promet-il, avant d’ajouter : « C’est peut-être parce que je tenais les cordons de la bourse que je n’ai rien vu venir. On a tous cru au discours de l’avènement ! »

Ce fameux discours de 2005, où Albert II, tout juste installé sur le trône, revendiquait une nouvelle éthique pour son pays… Aujourd’hui, Claude Palmero reproche au monarque d’avoir pactisé avec Patrice Pastor, sur fond d’intérêts financiers. « Le prince a peut-être conclu un pacte avec un intérêt financier puissant dont j’ignore le fondement, dit-il. Depuis, on assiste à une sorte d’alignement complet, et j’en suis la victime principale. »

Amertume d’un homme tombé de son piédestal ? M. Palmero fut, vingt ans durant, le cardinal de Richelieu de la Principauté. Il a muté en comte de Monte-Cristo, fort, outre les SMS conservés, de ses cahiers. Un drôle de journal intime dont le personnage principal est « SAS », Son Altesse sérénissime, et le fil rouge, le marché immobilier.

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