A Milan, l’emprise de la mafia calabraise sur les tribunes des supporteurs de football

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Ce matin-là, Andrea et Antonio s’étaient embrassés comme deux frères lorsqu’ils s’étaient retrouvés au gymnase de la banlieue milanaise où ils avaient leurs habitudes. La veille de ce 4 septembre, ils avaient joué au foot ensemble, comme en atteste une photo postée sur Instagram. Après dix minutes à discuter avec leurs camarades présents au gymnase, tous deux montent dans la Smart d’Antonio, garée à proximité. Le jeune homme démarre. Et puis, soudain, un coup de feu retentit, une lutte au corps à corps s’engage dans la voiture. Lorsque leurs amis accourent à la rescousse, il est trop tard : Andrea achève Antonio de 21 coups de couteau, dont 11 mortels – 6 plantés dans le cœur et 5 au cou.

Le tueur, Andrea Beretta, 49 ans, un colosse de près de 2 mètres, est l’un des leaders des supporteurs ultras de l’Inter Milan. Ses multiples condamnations pour violences, vols et trafics lui ont valu une interdiction de stade rarement respectée, tout en renforçant son aura de chef brutal et charismatique. La victime, plus petite d’une tête – d’où son surnom de « Toto’u Nanu » (« Toto le nain ») –, s’appelait Antonio Bellocco. Agé de 36 ans, il était l’héritier de l’une des plus puissantes familles de la mafia calabraise, la ’Ndrangheta, un clan enraciné sur la plaine de Gioia Tauro, dans le sud de la Péninsule, mais en affaires à Milan, et capable de mener ses activités illicites sur tous les continents.

Le 4 septembre 2024, à Milan, Antonio Bellocco, membre de la ’Ndrangheta, est tué par Andrea Beretta, un autre leader des ultras de l’Inter Milan.

Ce matin gris de septembre, devant le gymnase où les ultras de l’Inter font de la musculation, s’est joué un duel pour un empire. Andrea et Antonio étaient trop de deux pour régner sur une tribune de près de 8 000 personnes, la Curva Nord, celle des plus fervents supporteurs de l’Inter. Ils ne pouvaient non plus se résoudre à partager les profits clandestins du stade Giuseppe-Meazza, également appelé San Siro, devenu tirelire du crime organisé.

Voilà des mois que les deux hommes étaient dans le viseur du parquet antimafia de Milan. Véhicules et téléphones mis sur écoute, caméras dissimulées sur leur chemin… Toute la panoplie des techniques d’investigation a été employée pour documenter l’infiltration criminelle sur les « virages » (les curve) des puissants clubs milanais, l’Inter et le Milan AC, qui partagent le même stade. Un raid policier, lancé à l’aube du 30 septembre, a abouti à 19 arrestations et à une quarantaine de perquisitions. Parmi les cibles : des figures ultras des deux camps, mais aussi des entrepreneurs, un conseiller régional soupçonné de corruption, ou encore le garde du corps du très populaire chanteur Fedez. De quoi donner à cette enquête, baptisée « Doppia curva » (« double virage »), un impact inédit. Depuis, les auditions s’enchaînent. Supporteurs, commerçants, membres du staff, joueurs… Tous sont sommés d’évoquer l’influence grandissante des leaders ultras.

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