A Menton, l’inamovible vierge de la discorde

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Légèrement inclinée vers l’avant, la vierge de bronze tend ses paumes ouvertes vers les sept bébés nus gisant à ses pieds. En position fœtale, allongés ou assis, une main sur l’oreille, ils semblent sans vie, le cordon ombilical sur le ventre ou traînant au sol. Sur le socle de la statue, une plaque : « Notre-Dame des Innocents (…) symbolise l’amour maternel envers tous les enfants, spécialement ceux qui ne sont jamais nés. »

Un couple de passants s’approche avec un petit garçon. La femme le prend dans ses bras : « Regarde les bébés », lui souffle-t-elle. Ces habitants de Menton (Alpes-Maritimes) sont persuadés que cette œuvre imposante (1,80 mètre de haut), érigée à l’entrée du Grand Hôtel des ambassadeurs, un palace de la fin du XIXe siècle, est un « symbole de fertilité ». D’autres Mentonnais, acteurs de la vie associative ou politique locale, y voient, eux, un « message clair et violent » contre l’avortement et reprochent à la statue en question d’être offerte à la vue de tous, en plein centre-ville. De fait, juchée sur un muret en surplomb du trottoir, on jurerait qu’elle est sur l’espace public, alors qu’elle est bien sur un terrain privé. Disons juste à la « frontière ».

Dans une région (Provence-Alpes-Côte d’Azur) où, selon l’agence régionale de santé, on comptabilise le taux de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) le plus important du territoire métropolitain, cette sculpture est un « symbole presque obscène », s’insurge Claire Moracchini, conseillère conjugale au Planning familial de Nice, car les bébés représentés ne ressemblent pas à des fœtus, mais à des enfants viables. « L’idée sous-jacente est de culpabiliser celles qui se sont fait avorter », relève la bénévole, d’autant que la plaque d’origine, aujourd’hui modifiée, mentionnait « les femmes qui ont avorté et se repentent ». Comme Mme Moracchini, tous les détracteurs de la statue sont convaincus qu’à Toulouse, Paris ou Lyon pareille œuvre n’aurait jamais pu demeurer si près de la voirie. A Menton, 30 000 habitants, voilà bientôt six ans qu’elle fait partie du paysage devant cet hôtel, propriété d’un couple d’Italiens, Liana et Mauro Marabini.

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