Le docteur Saïd Ouichou a affiché à l’entrée de son centre médical, avenue de la Viste (15e arrondissement), tout au nord de Marseille, le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de la ville. Le 3 octobre, ce dernier a condamné à vingt-quatre mois de prison (douze sous bracelet électronique et douze avec sursis) une habitante des quartiers nord, Anaïs A., 19 ans au moment des faits.
Le 12 août, cette jeune femme à peine sortie de l’adolescence et une mineure de 11 ans qui l’accompagnait ont agressé physiquement la docteure Sara Hambli, qui assurait la permanence du centre médical. La praticienne de 35 ans avait refusé de délivrer une ordonnance pour la belle-mère de l’assaillante, qui n’était pas présente à la consultation. « Il faut que les gens comprennent qu’agresser un médecin est une chose très grave », souffle, sans trop se faire d’illusions, Saïd Ouichou, 62 ans.
Dans le creux médiatique de l’été, l’affaire, illustration symbolique de la hausse continue des agressions contre les personnels soignants au niveau national, avait fait grand bruit. Elus – dont le député La France insoumise de la circonscription Sébastien Delogu –, instances ordinales, habitants, patients réguliers étaient venus sur place témoigner de leur solidarité avec la victime. Et de leur crainte de voir le cabinet, l’un des rares de cet arrondissement, cesser son activité.
Pas de mesures concrètes
Près de deux mois plus tard, le docteur Ouichou accueille dans sa salle de consultation, grand cube blanc où « tout ce qui peut disparaître » est soigneusement rangé, hors de portée des patients. En parlant, il garde un œil sur les images des six caméras qui quadrillent le reste du bâtiment. Depuis l’agression, il ne voit guère de changement. « Nous avons été reçus par l’agence régionale de santé [ARS], par le préfet… Tout le monde est sensibilisé, mais il n’y a rien de concret », constate-t-il. Les « patrouilles de police plus régulières » qu’on lui avait promises restent discrètes. Et l’ARS n’entend pas financer la présence d’une secrétaire ou d’un agent de sécurité. A ses frais, le docteur Ouichou a fait installer un bouton d’alerte sur sa table de travail. « Cela déclenchera une caméra en cas de problème », explique-t-il.
Le 17 septembre, la docteure Hambli a fait savoir à l’ordre départemental des médecins qu’elle ne reprendrait pas son activité à la Viste. A l’audience, où elle n’a pas souhaité s’exprimer, son avocat a évoqué un départ prochain de Marseille. Saïd Ouichou assure donc désormais seul la permanence de ce cabinet, qu’il a fondé en 2022 pour y accueillir trois médecins. « S’installer dans les quartiers nord, c’est faire un choix. Cela demande une fibre. On se sent plus utile qu’ailleurs, défend ce Marocain d’origine, qui a passé dix années chez SOS-Médecins à Paris, avant de prendre racine à Marseille. Mais personne ne veut venir ici. »
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