A l’occasion de la Fête de la science, à Lyon, plus d’une centaine de scientifiques sont rassemblés sur la place Guichard, le 10 octobre. « Faut-il arrêter la recherche académique ? », lance un animateur dans le cadre d’un « débat mouvant », où les participants sont amenés à répondre en se déplaçant à gauche ou à droite du maître du jeu. Massivement, les chercheuses et chercheurs vont vers… le « oui » ! Idem en réponse à la question : « Les sciences ont-elles une responsabilité importante dans la catastrophe écologique ? » Que se passe-t-il ?
Disons que les participants venus de part et d’autre de la France pour trois jours de conférences représentent une frange atypique du monde académique. Ces biologistes, chimistes, spécialistes de physique, de mathématiques ou d’informatique, sociologues, anthropologues… sont là pour échanger sur leurs savoirs mais aussi pour réfléchir aux moyens de lutter contre le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, la montée des inégalités sociales, les hiatus entre la science et la société.
Dans cette assemblée disparate, nous croisons un neuroscientifique en quête d’un thème de recherche lui permettant de s’attaquer à la question de la transition écologique. Une biologiste réfléchit à une reconversion, lassée de la course des biotechnologies qui exagèrent les promesses, ou encore un physicien qui lutte contre les plantes invasives.
Chercheurs « bifurqueurs », « dissonants », « indépendants », « populaires », « militants »… Les profils sont variés pour cette conférence organisée notamment par les associations Sciences citoyennes, Ingénieurs sans frontières, Scientifiques en rébellion, et des ateliers d’écologie politique (Atécopol) de Toulouse, de Lyon, de Bordeaux et de Paris.
S’ouvrir à d’autres visions
L’événement, le deuxième de ce genre, a été baptisé Journées des savoirs engagés et reliés (JESER, prononcer « geyser »). Elles ont été organisées par le mouvement MSER, né en 2022 – une allusion au sigle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Chacun de ces mots, « savoirs », « engagés », « reliés », sonne comme autant de ruptures avec le monde académique actuel.
« Savoirs » montre la volonté de s’ouvrir à d’autres visions du monde, des savoirs vécus, vernaculaires, pratiques. Un boulanger, une mère d’un quartier populaire, un orpailleur d’Amazonie, un vigneron biodynamicien peuvent apprendre des choses aux scientifiques ou poser des questions de recherche négligées.
« Engagés » affirme la non-neutralité des sciences et l’envie de politiser la question de la production, de la transmission et des usages des savoirs.
Il vous reste 68.59% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.