Akos Hadhazy saute de sa voiture et se jette dans un fourré qui vient de perdre son premier feuillage en ce début d’automne. « Je pensais que le chantier était fini mais, visiblement, des ouvriers travaillent encore », estime le député hongrois, en désignant des escabeaux à travers la clôture qui encercle le domaine d’Hatvanpuszta. « J’appelle ça plutôt Puszta-Versailles », plaisante cet infatigable pourfendeur de la corruption, élu d’opposition indépendant, qui vient régulièrement, en costume-cravate, vérifier l’avancement du chantier le plus étonnant de Hongrie.
Dans ce joli coin de campagne vallonnée situé à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Budapest, Gyozo Orban, le père du premier ministre nationaliste Viktor Orban, est sur le point de finir d’ériger un immense et luxueux palais entouré d’un parc magnifique. Pastiche de l’architecture de l’époque Habsbourg rappelant que le site est un ancien domaine agricole fondé par un aristocrate autrichien à l’époque de l’Empire austro-hongrois, il offre, à en croire les détails du permis de construire, tout le confort moderne : deux piscines, un vaste garage souterrain, des panneaux solaires, un bâtiment pour le personnel et même un réservoir de plus de 20 000 litres de fioul pour tenir en cas de panne de courant général.
« Il y a aussi toute une aile qui est une grande cuisine avec des congélateurs au sous-sol », assure le député de 50 ans, qui fait de ce chantier le symbole de l’enrichissement aussi spectaculaire que douteux de l’entourage de Viktor Orban. Depuis que le survol en drone des propriétés privées a été interdit par le pouvoir, Akos Hadhazy est contraint de prendre l’avion pour suivre son avancement. Les dernières images aériennes, datant de septembre, montraient des piscines déjà remplies, dit-il, laissant penser que les occupants avaient emménagé après de longues années de travaux. Pour l’instant, personne n’a encore vu le premier ministre sur place. Ni son père, âgé de 83 ans.
Des soupçons de fraude dans les marchés publics
Lorsqu’il est interrogé sur ce palais, acquis en 2011 par le patriarche, le chef du gouvernement a l’habitude de répondre qu’il « ne s’immisce pas » dans les affaires de son géniteur. Un tel luxe n’aurait pourtant jamais été possible si Viktor Orban ne favorisait pas ostensiblement ses proches depuis quatorze ans qu’il est au pouvoir. Propriétaire d’une très profitable carrière de pierre, Gyozo Orban fournit de nombreux chantiers de travaux publics, souvent dans le cadre d’appel d’offres financés par les fonds européens et remportés par les entreprises de construction de… l’ami d’enfance de Viktor Orban, Lorinc Mészaros, devenu, lui, première fortune du pays.
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