A Bombay, le plus grand bidonville d’Asie menacé par la convoitise des promoteurs immobiliers

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Les fours chauffent en continu, répandant une fumée âcre au dernier étage de l’atelier de Yusuf Galwani, une maison de trois étages accessibles par d’abrupts escaliers en fer. Ils cuisent des diyas, petits bougeoirs en terre cuite, et des lampes à huile. Moulés un étage plus bas, ils seront bientôt utilisés par les hindous pour Divali, la fête des lumières, célébrée chaque année entre fin octobre et début novembre. La saison des festivités religieuses a débuté en Inde et, pour Yusuf Galwani, elle marque le pic de son activité. L’artisan exporte ses produits dans le monde entier et emploie sept potiers qui façonnent aussi de volumineux pots d’ornement pour les grands hôtels de Bombay.

Le potier réputé n’est pas installé dans un quartier huppé, mais à Dharavi, le plus grand bidonville d’Asie, avec près d’un million de résidents et une densité extrême en plein cœur de Bombay : plus de 350 000 habitants au kilomètre carré. Cette ville dans la ville offre une extraordinaire palette de religions, de castes, de langues, de provinces et d’ethnies. Un concentré de l’Inde, à la fois précaire et joyeux, doté d’une économie informelle florissante, bien loin de l’image sordide véhiculée par le film Slumdog Millionnaire, qui l’a rendu célèbre.

Les 240 hectares de Dharavi forment un labyrinthe de venelles, où s’emboîtent de petites maisons en brique mitoyennes : temples, mosquées, églises et quelque 20 000 entreprises et ateliers spécialisés. D’ici sortent maroquineries, valises, sacs à dos, textiles, vêtements, poteries et papadums (des galettes de pain fines et craquantes qui sèchent au soleil sur d’immenses paniers renversés). Le bidonville recycle aussi, dans de bruyants ateliers d’un autre siècle, vieilles machines, morceaux de voiture, bidons d’huile, fûts de produits chimiques, bouteilles : tout ce que la ville a rejeté. Le chiffre d’affaires global annuel des entreprises est estimé à 1 milliard de dollars (environ 0,92 milliard d’euros).

Dans un atelier qui confectionne les lampes utilisées pendant le festival hindou de Diwali, dans le quartier de Dharavi, à Bombay (Inde), le 7 novembre 2023.

Le quartier enfumé des potiers (Kumbharwada), où vit Yusuf Galwani, compte près de 2 500 familles. Avec ses trois frères, il a hérité de la maison de ses parents. Il est né ici, n’a jamais connu d’autre environnement, mais son avenir est incertain. Le gouvernement du Maharashtra, géré par une coalition proche du premier ministre Narendra Modi, a confié, à l’issue d’un appel d’offres, en novembre 2022, un projet de rénovation du bidonville au magnat indien Gautam Adani.

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