
L’« effet Bruxelles » a-t-il vécu ? Le concept avait été énoncé en 2012 par l’experte en droit commercial international de l’université de Columbia Anu Bradford. Il s’agissait de décrire l’emprise de l’Union européenne (UE) sur les affaires du monde grâce à sa puissance régulatrice. Dans un processus de mondialisation accéléré, Bruxelles s’était imposée comme la principale émettrice de normes et de processus juridiques, obligeant les autres blocs à s’aligner par intérêt économique. La taille de son marché et sa capacité réglementaire avaient fini par convaincre les entreprises opérant sur le plan international qu’il n’était pas pertinent de maintenir des cadres juridiques moins exigeants. Mais cette vision des choses pourrait désormais appartenir au passé.
Deux processus sont à l’œuvre. Le premier vient des Etats-Unis et s’est accéléré depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Dès le lancement de sa croisade en faveur de droits de douane pour protéger l’économie américaine, il a clairement ciblé le pouvoir régulateur de l’UE en accusant les Vingt-Sept d’attaquer les « incroyables entreprises technologiques » américaines. Il n’a de cesse de réclamer le démantèlement du règlement sur les services numériques (DSA) et du règlement sur les marchés numériques (DMA).
Cette législation répond à la propension des géants de l’Internet à porter atteinte à la vie privée, à fausser la concurrence, à distordre notre espace informationnel à rebours de nos valeurs et de nos lois. Ces entreprises américaines considèrent les règles européennes comme autant d’entraves à leur modèle économique et ont trouvé en Donald Trump leur meilleur avocat.
L’administration américaine en fait désormais un élément de chantage pour réduire les droits de douane qui sont imposés aux exportations européennes. Lors d’un sommet organisé le 24 novembre à Bruxelles, le secrétaire au commerce américain, Howard Lutnick, a exigé le détricotage des lois numériques européennes contre un « accord sympa sur l’acier et l’aluminium ». Ces négociations de marchand de tapis mettent la pression sur l’Europe, enjointe de troquer une législation cruciale contre un abaissement de barrières douanières douteuses sur le plan juridique, comme la Cour suprême des Etats-Unis pourrait le confirmer dans les prochaines semaines.
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