Qu’est-ce qu’un ingénieur ? La réponse ne fait pas consensus parmi les principaux intéressés, élèves et jeunes diplômés : pas moins de six profils différents émergent, d’après l’enquête « S’inventer ingénieur » présentée mardi 25 novembre par le groupe d’écoles d’ingénieurs publiques INSA, qui diplôme 3 500 jeunes par an, soit 10 % des nouveaux ingénieurs.
Sur six figures d’incarnation proposées aux quelque 1 000 répondants à cette étude conduite par l’Institut Gaston Berger, « l’expert technique » est majoritairement cité par 66 % des étudiants et 49 % des ingénieurs en début de carrière, devant « le manager d’équipe » (respectivement 43 % et 30 %) et « l’acteur du changement » (31 % et 33 %). Viennent ensuite « le coordinateur de projets » (14 % et 18 %), « le leader » (15 % et 22 %) et, plus surprenant, « l’ouvrier en col blanc » (14 % et 20 %).
« L’identité de l’ingénieur est en pleine mutation, (…) elle s’est fragmentée sous l’effet conjugué de la massification de l’enseignement supérieur, de la diversification des profils et de la transformation des organisations du travail », expliquent les deux auteures de l’étude, Cécile Prévost, docteure en sociologie du travail, directrice Partenariats & Société à l’INSA Centre-Val de Loire, et Béatrice Decoop, sociologue et fondatrice du cabinet So Youth !. « On assiste à la fin d’un statut qui était distinctif », constatent-elles, soulignant qu’en 1950, seuls 3 000 ingénieurs étaient diplômés chaque année, contre 50 000 en 2024.
« Forme de déclassement »
« Le plus étonnant a été de découvrir une forme de déclassement social et professionnel, lorsque s’est dessinée la figure de l’ouvrier des temps modernes, devant son ordinateur », relate Cécile Prévost. Souvent sous-estimé, ramené à un rôle d’exécutant, ce profil témoigne d’un glissement vers des fonctions d’application plus que de conception. Quelque 20 % des jeunes ingénieurs en activité considèrent ainsi que leur fonction n’offre pas suffisamment d’autonomie et qu’ils occupent un rôle d’exécutant.
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