pourquoi le Kremlin a voulu la guerre en Ukraine

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Livre. Ce livre aurait pu s’intituler « la rage du Kremlin ». Entre récit et analyse, l’essai Au cœur de la Russie en guerre (Tallandier, 368 pages, 22,90 euros), de Pierre Lévy, ambassadeur de France à Moscou de janvier 2020 à août 2024, n’est pas une rencontre imaginée comme dans Le Mage du Kremlin (Gallimard, 2022), de Giuliano da Empoli, ce roman qui emmène le lecteur au plus près de l’énigmatique éminence grise de Vladimir Poutine, un certain Vadim Baranov. En bon diplomate, Pierre Lévy s’emploie, lui, à raconter les réalités d’une Russie que son président a méthodiquement façonnée pour imposer la guerre avec l’Ukraine.

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La manœuvre repose sur une manipulation de l’histoire et une inversion des faits, mais aussi sur le mépris de la diplomatie et une glorification de la puissance militaire. « La guerre tire son origine de la confluence de deux forces : un passé mal digéré et un avenir refusé », explique d’emblée l’ambassadeur, avant de revenir sur la chronologie de la montée des tensions, véritable chronique d’occasions volontairement manquées avec l’Ouest.

Pierre Lévy dissèque avec adresse le mode opératoire du Kremlin de Vladimir Poutine. Il fonctionne en trois temps : tout projet est d’abord longtemps mûri, « ou plutôt ruminé », ironise l’auteur ; suit une analyse « systématique et précise » des rapports de force ; puis vient le passage à l’acte. A l’hiver 2022, ce fut le 24 février lorsque, à 6 heures du matin, une main est venue réveiller et secouer l’ambassadeur dans son lit : le gendarme de garde cette nuit-là lui annonce que la guerre a commencé.

Un « glissement vers l’abîme »

Officiellement, il s’agit d’une « opération militaire spéciale » pour « dénazifier et démilitariser » l’Ukraine. En réalité, comme l’écrit Pierre Lévy, c’est « un glissement vers l’abîme », l’aboutissement d’un parcours que Vladimir Poutine a commencé par ses lectures d’Ivan Iline, le philosophe persuadé que l’Occident veut démembrer la Russie pour mieux la faire disparaître, et l’a mené jusqu’au déni de la souveraineté de l’Ukraine.

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