« Des oblitérations très convoitées par les philatélistes »

L’ouvrage de Jean-Pierre Magne, membre de l’Académie de philatélie et de l’Académie européenne de philatélie, collectionneur émérite, est le résultat de plus de vingt ans d’étude des conséquences postales du rattachement du duché de Savoie et du comté de Nice à la France sous Napoléon III, qui aujourd’hui correspondent aux départements des Alpes-Maritimes, de la Savoie et de la Haute-Savoie.

« Jean-Pierre Magne a su contacter un nombre impressionnant de philatélistes qui lui ont ouvert leur collection, explique l’expert Jean-François Brun dans sa préface de l’imposant volume Le Rattachement du duché de Savoie et du comté de Nice à la France. Oblitérations sardes 1860-1861 (Yvert et Tellier, 2024). Mais il ne s’est pas contenté de ces informations, il a dépouillé les ventes de la plupart des négociants susceptibles d’offrir ce genre de matériel. » Plus de 10 000 catalogues, selon l’auteur, qui par ailleurs, en toute humilité, lance un appel aux collectionneurs qui lui permettraient de compléter les plus de 2 000 pièces recensées dans cette somme.

Ainsi, Jean-Pierre Magne précise dans son avant-propos que « ce travail s’appuie sur un inventaire du courrier, expédié des bureaux de poste, de l’arrivée de l’administration postale française le jeudi 14 juin 1860 jusqu’à la livraison et l’emploi du matériel oblitérant par la même administration fin septembre 1860. Pour le duché de Savoie, un chapitre est consacré aux oblitérations au départ des bureaux ambulants, un second chapitre sur le départ du courrier des bureaux sédentaires ». « Cette période durant laquelle les timbres-poste français sont annulés par des oblitérations sardes est très convoitée par les philatélistes », conclut-il, période régulièrement présente dans les ventes, comme en témoignent les ventes sur offres du Timbre classique ou certains cites spécialisés… En 2018, une importante collection de lettres du duché de Savoie dispersée par David Feldman, en Suisse, avait atteint 18 000 euros.

L’auteur raconte d’abord les circonstances qui conduisent au « rattachement » des deux territoires, « perdus lors du traité de Paris le 20 novembre 1815 (après la défaite de Napoléon à Waterloo) », dans un contexte d’unification italienne et de guerre contre l’Autriche, avant que deux plébiscites ne le légitiment, Nice et la Savoie redevenant définitivement françaises le 14 juin 1860.

Jean-Pierre Magne décrit ensuite l’organisation postale, l’approvisionnement des timbres-poste – les timbres sardes sont remplacés par des timbres français de l’Empire, non dentelés –, les tarifs postaux, les bureaux « d’échange », le courrier circulant sans timbre-poste (non affranchi, ou bénéficiant de franchises de port), le matériel postal sarde (en attendant la fourniture de timbres à date oblitérants français, les cachets sardes continuent à servir), le matériel postal français, etc.

Cette partie historique précède un imposant et systématique inventaire « présenté par ordre alphabétique des bureaux de poste du duché de Savoie et du comté de Nice » qui recense tous les types de courriers qui y passent. La précision des recherches conduit l’auteur à classer fragments et même timbres détachés, parfois seules pièces connues dans cet état : « A noter que pour plusieurs bureaux, aucun courrier n’est recensé à ce jour. Dans certains cas, des timbres-poste détachés sont cités en fin du recensement de chaque bureau. Certains sont inclus comme illustrations si besoin. » Au rayon des oblitérations connues uniquement sur fragments ou timbres-poste détachés : La Motte, Thorens-Salles (Savoie), Giletta, Lantosca, Roccasterone, San Martino Lanta, San Martino Del Varo et Villafranca Mara (Nice).

Le chapitre consacré au duché de Savoie débute par le bureau de distribution d’Abondance (« 1 512 habitants en 1858 ») et se termine avec le bureau de direction d’Yenne (« 3 056 habitants »), en passant par Annecy, Ruffieux, Samoëns, etc. le tout abondamment illustré de lettres aux tarifs et de timbres de l’Empire. Toutefois, pour Bozel, c’est un 20 centimes bleu de la 4^e émission de Sardaigne oblitéré du 14 juin 1860 qui est illustré.

Pour Chambéry, par exemple, le 20 centimes bleu « Empire », le 1^er échelon de poids (jusqu’à 7,5 grammes), bénéficie de 157 références, du 14 juin 1860 (« trois lettres connues levées le matin »), au 26 septembre 1860.

Rares sont les utilisations « tardives » des timbres à date sardes, comme pour ces enveloppes des Echelles de janvier et février 1861.

Des cartes postales se glissent dans quelques pages (« Entrée des troupes françaises à Chambéry – Défilé devant la fontaine des Eléphants », le 14 juin 1860), enrichissant utilement l’iconographie du livre.

Pour Nice, dont les timbres à date des bureaux du comté sont en italien, on commence par le bureau de Breglio (Breil), pour terminer avec Villar Del Varo (Villars-sur-Var), en passant par Rossiglione (Roussillon) ou San Martino Lantosca (Sanit-Martin-Vésubie), etc. Les oblitérations de 1860 sont moins nombreuses que pour la Savoie, l’auteur réservant un traitement à part pour Monaco, restée indépendante, mais rattachée au service postal français dès le 15 juin 1860.

Jean-Pierre Magne présente un rarissime affranchissement mixte composé d’un 20 cent de la 4^e émission de Sardaigne (Victor-Emmanuel) et d’un 20 centimes bleu « Empire », de Nice pour l’Angleterre, oblitération du 20 juin 1860 (« Nizza Mara »).

Enfin, l’auteur avoue quelques « oblitérations inconnues ou non répertoriées », mais existent-elles, pour, par exemple, les bureaux de Chindrieux, l’Esseillon, Eza, Toetto-Varo ou Torretta, etc. Aux lecteurs de lui répondre.