treize ans de réclusion requis

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L’avocat Alex Ursulet s’adresse aux journalistes au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 27 mai 2016.

Le parquet général a requis treize ans de réclusion criminelle, samedi 15 novembre, contre l’avocat Alex Ursulet, figure du barreau parisien, pour le viol d’une stagiaire à son cabinet en janvier 2018.

Avant un verdict dans la soirée, la défense d’Alex Ursulet a répété sa protestation d’innocence, et demandé à la cour criminelle de Paris de prononcer l’acquittement au nom d’un « doute plus que raisonnable ». Le crime poursuivi est passible de vingt ans de réclusion.

« Il y a dans cette salle quelqu’un qui ment. Qui de la stagiaire ou du maître de stage ? », a commencé l’avocat général Philippe Courroye. Question rhétorique à laquelle il a répondu près de trois heures plus tard en demandant l’incarcération d’Alex Ursulet : « Le mensonge, il est de ce côté de la barre. » « Il n’y a pas de complot », a-t-il dit ; la jeune femme, alors âgée de 25 ans, « a bien été victime d’un viol » commis par pénétration vaginale digitale, « sorte de droit de cuissage ».

Avec la circonstance aggravante qu’ils l’ont été par une personne ayant autorité, les faits ont été commis sous la « contrainte » et par « surprise » dans le huis clos du cabinet d’Alex Ursulet l’après-midi du 30 janvier 2018, trois semaines après le début du stage, a poursuivi le magistrat.

Alex Ursulet a écouté l’implacable charge, tantôt soutenant d’un regard incrédule celui du magistrat, tantôt le détournant, mais haussant parfois des sourcils désapprobateurs ou secouant la tête.

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« Sentiment d’impunité »

Dans cet affrontement parole contre parole, le magistrat a mis en miroir les « contradictions » et les « incohérences » de l’accusé avec une plaignante « constante dans ses déclarations ». Il a salué sa décision de s’engager dans « le chemin de croix des victimes » en portant plainte et sa « force pour dénoncer ces faits criminels », jeune stagiaire face à un ténor du barreau plus âgé de trente-cinq ans, ex-associé de Jacques Vergès, un temps compagnon de route de la droite gaulliste, qui a accédé à la célébrité pour avoir défendu le tueur en série Guy Georges.

Philippe Courroye a fustigé « le sentiment d’impunité » de l’avocat, à la « personnalité dominatrice », qui se pensait « protégé de la cuirasse de sa superbe ». Après une période de « séduction » avant le stage, il aurait instauré une relation empreinte de « domination », avant d’engager une phase de « possession », celle du viol.

Jeudi, la plaignante, devenue avocate, avait raconté en détail le viol et sa « sidération ». Le crime serait survenu après un déjeuner au restaurant à l’initiative de l’avocat, au cours duquel la conversation aurait dévié sur sa sexualité. « Quand elle pousse la porte du cabinet » trois semaines plus tôt, « elle vient pour apprendre » un métier « dont elle a rêvé depuis longtemps », aux côtés d’un ténor qu’elle « idéalise ». Ce n’était « pas pour répondre à des questions sur sa sexualité », « encore moins pour être » violée, poursuit Philippe Courroye.

Quant au délai de plusieurs mois avant sa plainte, son explication est « d’une extrême banalité » : « la crainte d’être discréditée dans la profession », « de ne pas être crue », « de se griller ». Le magistrat se tourne vers l’accusé : « C’est la robe d’avocat que vous avez souillée », lui dit-il, en fustigeant sa « position victimaire » durant une audience où il a « chanté l’air de la calomnie ».

« Doute plus que raisonnable »

« J’ai eu le sentiment que votre réquisitoire était écrit » avant les débats, a rétorqué Fanny Colin, dont le client avait évoqué dans la semaine la thèse d’une volonté de lui nuire par dépit professionnel. Pour condamner, « il vous faut une certitude à la hauteur » de la peine demandée, et dans ce dossier « il existe un doute plus que raisonnable », a-t-elle plaidé.

Quand Alex Ursulet a toujours nié une quelconque relation d’ordre sexuel, sa défense a esquissé samedi l’hypothèse d’une « relation malheureuse dominant-dominée dans laquelle » la plaignante serait rentrée de son plein gré, selon Luc Brossollet. Et « plutôt deux fois qu’une si j’en crois les SMS », a poursuivi l’avocat.

Ce « jeu », certes, « n’a pas laissé indemne » la plaignante, qui a choisi d’en sortir en quittant le cabinet dès le lendemain des faits. Cependant, il était consenti, poursuit-il. Et, dans ce contexte, argumente M. Brossolet, rien ne pouvait faire comprendre à Alex Ursulet que « les pénétrations alléguées », que son client réfute, ne l’auraient pas été.

Le Monde avec AFP

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