En Colombie, les principaux chefs des ex-FARC condamnés pour plus de 21 000 enlèvements

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Les membres de la Juridiction spéciale pour la paix, à Bogota, le 16 septembre 2025.

Presque une décennie après avoir déposé les armes, les chefs de l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont pour la première fois été condamnés, mardi 16 septembre, par le tribunal spécial issu de l’accord de paix de 2016, et reconnus coupables de plus de 21 000 enlèvements en un demi-siècle de conflit.

La Juridiction spéciale pour la paix (JEP) a condamné sept anciens chefs rebelles à des restrictions de mobilité et à l’obligation de mener des actions à la mémoire des victimes, conformément à l’accord de 2016 ayant conduit au désarmement des FARC et à leur transformation en parti politique. Ils devront également collaborer à la recherche des milliers de personnes encore disparues et participer à des processus de déminage dans les territoires où ils opéraient.

Ces sept ex-membres de l’état-major des FARC, Rodrigo Londono Echeverri (alias Timochenko) – leur dernier commandant –, Pablo Catatumbo Torres Victoria, Pastor Lisandro Alape Lascarro, Milton de Jesus Toncel Redondo, Jaime Alberto Parra, Julian Gallo Cubillos et Rodrigo Granda Escobar, ont été déclarés coupables « en qualité d’auteurs de crimes de guerre, de torture, de traitements cruels », a déclaré un magistrat à la presse, à Bogota. Ils avaient tous reconnu leur responsabilité dans les 21 396 enlèvements pour lesquels ils étaient poursuivis. Aucun n’était présent à la lecture du jugement.

« Une pratique systématique »

Les enquêtes « ont montré que l’enlèvement était devenu une pratique systématique, car il est évident que les crimes ont non seulement violé la loi, mais ont également laissé des blessures ouvertes qui persistent dans les familles, dans les territoires, dans la vie quotidienne du pays », a ajouté le magistrat.

Il aura fallu plus de sept ans à la JEP pour rendre ce premier jugement, sous les critiques des détracteurs qui lui reprochent son manque de sévérité envers les guérilleros, également accusés de divers crimes contre l’humanité, tels l’enrôlement de mineurs dans la guérilla.

Au cours de leur longue lutte, les FARC ont pris en otage des militaires, des policiers, des hommes d’affaires et des dirigeants politiques. Les images des otages faméliques et enchaînés dans des cellules grillagées dans la jungle ont fait le tour du monde. Un des cas les plus emblématiques fut l’enlèvement et la séquestration pendant six ans de l’ancienne candidate à la présidence Ingrid Betancourt, enlevée en 2002 avec sa chef de campagne, Clara Rojas, qui donna naissance à un enfant pendant sa captivité.

Selon la JEP, les FARC ont soumis leurs otages à « des mauvais traitements et des humiliations » qui « ignorent complètement leur dignité humaine ». Certains étaient contraints de travailler « gratuitement » pour la guérilla, ce que le tribunal a qualifié d’« esclavage ». La détention la plus longue aux mains des FARC a duré quatorze ans.

La pratique reste courante parmi les groupes armés encore actifs en Colombie, et les enlèvements ont augmenté de 82 % en 2025 par rapport à l’année précédente, selon la police.

Plus de quatre ans de pourparlers

La JEP, dont le mandat expire en 2037, doit également se prononcer sur d’autres crimes dont sont tenus responsables les chefs des FARC. Des politiciens et des paramilitaires qui ont affronté la guérilla ont également sollicité le tribunal pour avouer leurs délits et ainsi éviter la prison.

La JEP doit notamment statuer sur des civils tués par des soldats dans l’objectif de les présenter à tort comme des guérilleros morts au combat. Une pratique connue sous le nom de « faux positifs » pour laquelle l’armée a présenté ses excuses en 2023.

Mouvement paysan d’inspiration communiste né dans les années 1930 et 1940 pour l’obtention d’une réforme agraire face aux grands propriétaires terriens, les FARC, autrefois la guérilla la plus puissante d’Amérique du Sud, ont accepté de déposer les armes après plus de quatre années de pourparlers à Cuba et la signature, en août 2016, de l’accord de La Havane, salué par la communauté internationale. L’ex-président colombien de centre droit Juan Manuel Santos (2010-2018) a été récompensé pour ses efforts en faveur du processus de paix et a reçu en octobre 2016 le prix Nobel de la paix.

Le Monde avec AFP

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