
Un calme trompeur. Après les violentes manifestations qui ont embrasé l’archipel et fait au moins dix morts, fin août, la vie a repris son cours dans les grandes villes indonésiennes. Ou presque. A Jakarta, à la nuit tombée, la police et l’armée patrouillent conjointement, signe d’un dispositif sécuritaire inhabituel. Dimanche 14 septembre, près de 600 personnes en lien avec le mouvement de contestation étaient toujours détenues, selon les autorités. Et ces derniers jours, quelques rassemblements épars témoignaient d’une tension persistante : une association de livreurs en ligne (« ojol ») s’est réunie devant le Parlement, tandis qu’un groupe syndical et des étudiants a défilé dans la capitale. Rien de massif ni d’impressionnant, comparé aux scènes chaotiques – affrontements, bâtiments publics en flammes, maisons d’élus vandalisées… – survenues deux semaines plus tôt à travers le pays. La rue s’est apaisée, mais le ressentiment demeure. Vif et profond.
L’indignation face aux privilèges des élites au pouvoir, sur fond de crispation économique (chômage élevé, licenciements, inflation), a pris un tournant le 28 août au soir, quand Affan Kurniawan, 21 ans, conducteur de moto-taxi, a été mortellement renversé par un blindé de la police lors d’une manifestation à Jakarta. Il livrait un repas. Sa mort est devenue le symbole des brutalités policières impunies et de l’indifférence d’une classe dirigeante hors-sol. Depuis, l’Indonésie est secouée par un puissant mouvement de contestation. L’intensité et l’échelle des manifestations les jours suivant la mort du jeune ojol ont pris de court le président Prabowo Subianto, investi à la tête de la première économie d’Asie du Sud-Est (283 millions d’habitants) en octobre 2024.
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