

La « une » du semestriel Del. & Sculp., « journal de l’art du timbre gravé » (ATG) reproduit Des Animaux disparus – représentant le bandicoot australien, le dodo (île Maurice), l’hippotrague (Hippotragus leucophaeus, Afrique du Sud), le loup de Tasmanie, le conure de Caroline (Etats-Unis), le kokako (cendré, Nouvelle-Zélande), le grand pingouin de l’Atlantique Nord –, une acrylique sur papier d’Isabelle Molinard, peintre, illustratrice animalière, créatrice d’un bloc-feuillet timbré français sur les oiseaux des îles, récompensé du prix du « plus beau bloc-feuillet » émis en 2021 et de trois collectors de quatre timbres parus en 2019 sur l’ours brun, le panda et l’ours polaire.

Rodolphe Pays revient sur la carrière d’Isabelle Molinard, passée par l’Ecole nationale des arts décoratifs, « éclectique dans ses pratiques, professionnelles comme artistiques » et qui l’est aussi dans ses sources d’inspiration. « Parmi les peintres de la Renaissance, Botticelli m’a beaucoup marquée, ses toiles que j’ai vues, notamment à la Galerie des Offices de Florence m’ont influencée, en particulier pour mes trompe-l’œil (…). Mais des contemporains, comme le peintre russe Andrey Remnev ou encore les illustratrices Monique Félix et Rébecca Dautremer sont aussi des artistes dont j’apprécie grandement le travail. »

Et Rodolphe Pays de conclure : « Si on veut apprécier en direct [le travail] d’Isabelle Molinard, c’est tous les dimanches [à Paris], de 10 heures à 19 heures, sur son stand du marché de la création du boulevard Edgar-Quinet, à Montparnasse. »
Plusieurs gravures de Documents philatéliques officiels
Le graveur-imprimeur Guy Vigoureux, né le 15 juin 1951, est décédé le 4 novembre 2024 à 73 ans.
Del. & Sculp. lui rend hommage à travers les témoignages de quelques élèves « diplômés en gravure de l’Ecole Estienne », passés par son atelier « pour compléter leur formation ».
Guy Vigoureux formé lui-même à Estienne entre autres par Pierre Forget (1923-2005), crée son entreprise de gravure en 1973 à Vitry-sur-Seine, avant de s’installer à Paris. En 1987, il devient imprimeur. « J’ai sauté le pas, pour une simple et bonne raison : j’allais enfin pouvoir constater la qualité de mon propre travail. Quand vous êtes imprimeur, vous avez toute liberté pour faire des retouches (…). J’ai constaté que je pouvais ajouter de la profondeur à mon travail. »
Meilleur ouvrier de France en gravure pour impression en 2007, il imprime en taille-douce les gravures annuelles de l’association Art du timbre gravé de 2005 à 2016. « La Poste lui confie la réalisation de plusieurs gravures de Documents philatéliques officiels. » Créateur de faire-part, de logos d’entreprises, d’ex-libris, d’armoiries, etc. ses clients ont pour noms Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, l’ambassadeur du Koweït… « Ce sont les mains de Guy qui ont accouché le faire-part de naissance en 2014 de son altesse royale la princesse Louise-Marguerite de France. »
Quelques artistes passés par son atelier témoignent :
« Il était toujours enthousiaste de nous voir à l’œuvre, toujours partant pour chacune de nos initiatives farfelues… » (Clément Gosset, graveur).
« La gravure est un savoir-faire (…). A notre tour maintenant de transmettre ce savoir-faire. Tu seras à jamais dans nos cœurs mais par cela, tu seras aussi à jamais dans nos gestes (…). A notre tour, nous transmettrons, et tu seras toujours là, par cette correspondance. » (François Feydy, graveur).
« C’est en étant à ses côtés que j’ai découvert ma passion qui deviendra plus tard mon travail. » (Théo Brajeul, graveur).
« On avait tous ce même rêve, le rêve que partagent tous les élèves qui sortent d’Estienne, ouvrir son atelier de gravure. Ce rêve on a pu le réaliser, en un temps record, grâce à qui ? Grâce à Guy. Ce Guy dont la générosité n’avait d’égal que son talent (…). Si j’ai un travail aujourd’hui, c’est grâce à lui. Je cherchais un maître pour m’apprendre le burin, j’ai trouvé un ami. » (Louis Genty, graveur).
Picasso
Cyril de La Patellière constate qu’ayant l’âme d’un collectionneur et l’âme d’un artiste, « autant concilier les deux » !
Evoquant sa collection sur « les visages de Marianne », il explique que cette dernière « est l’émanation de trois éléments auxquels [il est] attaché : la philatélie, l’art du portrait, l’art tout court ».
L’artiste raconte qu’il doit sa passion pour la philatélie à… Picasso… En première année des Arts Décoratifs de Nice, en 1967, il a l’occasion de rendre visite à Picasso, « qui habitait en voisin à Vallauris, où il s’adonnait à la céramique ».
« Dans cette pièce où nous étions reçus, au parquet déciré et aux lames disjointes, les toiles (un amoncellement de « Picasso ») appuyées contre les murs, était un curieux buffet (…). Dessus, une large coupelle était posée, dedans, une multitude de timbres décollés, uniquement des “Marianne”, des bleues, des vertes, des jaunes, des rouges… une profusion, un arc-en-ciel ! C’était là un secret du maître, il s’employait à les décoller et à les classer selon un certain code de couleur. C’est cette découverte dans ce lieu inattendu qui me fit philatéliste, je découvrais ce que pouvaient être la série et les couleurs. »
Cyril de La Patellière présente ensuite quelques portraits de « Marianne », des projets de timbres non émis pour l’essentiel, signés Decaris, Trémois, Briat, Jumelet, Taraskoff… et Cyril de La Patellière… « Ce n’est pas cette représentation en elle-même qui m’intéresse, c’est bien le visage : deux yeux, un nez, une bouche, des cheveux… toutes les variations possibles à imaginer… Le bonnet [phrygien] est accessoire. Comment être original et tirer la quintessence de ce sujet rabâcher ? Là est le défi. » Une manière de saluer le « talent supérieur de la main mais non pas à celui inférieur du clavier ».
« Il est probable que je vais arrêter de faire des timbres »
Rétrospective, Marco Guerin propose un « tour du monde 2024 des timbres gravés » en taille-douce, parmi lesquels la France et Monaco tiennent une place prépondérante, en compagnie de la Slovaquie, de la République tchèque, des Féroé, de la Chine et du Japon, ce dernier à l’origine d’un étonnant bloc-feuillet intitulé « Flâner dans Paris », dessiné par Stéphane Humbert-Basset, gravé par Pierre Bara et imprimé pour le pays du Soleil-Levant par l’Imprimerie des timbres-poste de Parigueux…

Un mot enfin sur le témoignage de l’artiste peintre et graveur Eve Luquet, connue du grand public pour sa « Marianne » émise en 1997, en guise d’éditorial de la revue, qui annonce la fin probable de sa carrière philatélique pour des raisons de santé, publié en guise d’éditorial par le président de l’association ATG, Pascal Rabier :
« Il est probable que je vais arrêter de faire des timbres. La raison principale est que j’ai des petits problèmes avec ma vue, pas graves pour le moment, mais susceptibles d’évoluer. La dernière gravure à la binoculaire a été plus difficile et je comprends maintenant pourquoi. Rien de dramatique (…), mais la fatigue visuelle à la binoculaire me pousse à arrêter cette partie de mon travail. Je vais continuer la pointe siècle et le dessin, qui ont toujours constitué l’essentiel de mon activité (…). Cela implique aussi de perdre les contacts avec mes collègues, et avec tous ceux avec qui j’ai été en contact depuis 1986, l’année de mon premier timbre (…). J’ai été très heureuse de faire le peu que j’ai fait dans le domaine des timbres. J’avoue que quand Jacques Jubert m’a généreusement proposé de me former, en tout cas de me donner les bases techniques du métier, je ne pensais pas que la création de timbres prendrait cette place dans ma vie (…). Je me suis prise au jeu et j’ai vraiment aimé ce métier. D’ailleurs, je me suis, au fil du temps, de plus en plus, autorisée à me rapprocher de ma façon de travailler dans mes autres créations (…). Bref, ce petit mot est destiné à remercier tous ceux que j’ai rencontrés depuis mes débuts, qui m’ont soutenue ou encouragée (…). »
Si vous avez manqué les précédentes parutions de Del. & Sculp. :

– Louis Genty : « J’aime dessiner des corps, en mouvement, qui se rencontrent », propos recueillis par Pascal Rabier ; « La Société des explorateurs français, une histoire à graver sur les timbres », par Gauthier Toulemonde (décembre 2023-juin 2024).

– « Eugène Lacaque (1914-2005), l’homme aux doigts d’or », par Astrid Mull ; rencontre avec Elsa Catelin, graveure et filigraniste : « Un art qui ne se perdra jamais », propos recueillis par Rodolphe Pays ; « France-Japon, une histoire méconnue », par Gauthier Toulemonde ; « Robert Nanteuil (1623-1678), hommage au maître », par Sarah Lazarevic (juin-décembre 2024).

– « Témoignages de la communauté philatélique au maître graveur Yves Beaujard (1939-2024) » ; « Rencontre avec Sylvie Patte et Tanguy Besset », propos recueillis par Gauthier Toulemonde ; Philippe Wahl, président du Groupe La Poste : « La gravure est un exercice créatif exceptionnel », propos recueillis par Rodolphe Pays ; collection : « Le Castor de la province du Canada », par Richard Gratton (décembre 2024-juin 2025).
Enfin, quelques menues informations relevées au fil des pages des quatre numéros :
– Parution de Montmartre. Rencontres illustrées au cœur de la butte, de France et Emmanuelle Dumas, Editions Magellan, 2023. France Dumas est la dessinatrice des timbres du carnet « Ensemble, agissons pour préserver le climat », paru en 2014.
La République romaine, d’Isaac Asimov, illustrations de Benjamin Van Blancke. Editions Les Belles lettres, 2023.
– Portraits de légumes dans l’art et la gastronomie, de Colette Thurillet (dessinatrice de nombreux timbres pour Monaco). L’artiste explique que L’album est composé de 31 planches reproduites d’après des peintures réalisées par technique mixte gouache/aquarelle, avec des préfaces du Dr Rémi Kahane et de Guy Savoy. Chaque exemplaire est numéroté et signé. Edition à compte d’auteur, bon de commande ici.

– Raphaële Goineau a réalisé la carte de vœux 2025 d’ATG. Elle explique qu’il s’agit d’une « illustration à la gouache sur papier, pour laquelle j’ai imaginé un paysage des Terres australes et antarctiques françaises regroupant plusieurs endroits, dont Port Jeanne-d’Arc. Je m’y suis rendue, en tant que peintre officiel de la marine, à bord de la frégate Floréal. C’est un endroit qui donne l’impression d’être au début du monde ; quoi de mieux pour illustrer le passage de la nouvelle année ? »

– Pierre Albuisson est l’auteur d’un timbre sur « L’art du timbre-poste gravé en taille-douce » à paraître à Monaco d’ici à la fin de l’année. Le dessinateur et graveur du timbre précise qu’il a « choisi de représenter les mains d’une jeune femme dans le geste de la gravure avec une bonne tenue d’outil gravant le portrait de la princesse Grace Kelly (…). Ce timbre, aux dimensions 48 x 36 mm, illustre la précision que l’on peut atteindre à travers la gravure manuelle sur acier, ici dans la représentation du portrait de Grace Kelly dont la dimension ne dépasse pas 5 millimètres… ».
Art du timbre gravé (ATG), renseignements, adhésion (30 euros par an) auprès du secrétaire Joël Cavaillé, 21, rue de la Sente du Couvent, 78660 Boinville-le-Gaillard (secretariat@artdutimbregrave.com) ou auprès de la trésorière, Laurence Le Tiec, 38, rue de la Mairie, 91340 Ollainville (tresorerie@artdutimbregrave.com). Site Internet et compte Twitter. Entre autres avantages, l’adhésion donne droit à la revue Del. & Sculp., à une gravure annuelle originale en taille-douce créée par un ou deux artistes du timbre et signée, et à la gratuité du Musée de La Poste de Paris.
Si vous souhaitez que la revue éditée par votre association soit chroniquée, il vous suffit d’en faire parvenir un exemplaire à cette adresse : « Le Monde », Pierre Jullien, 67-69, avenue Pierre Mendès-France, 75013 Paris.
