
La blague circulait déjà parmi les diplomates lors de son premier mandat : négocier avec le président des Etats-Unis, Donald Trump, c’est comme jouer aux échecs avec un pigeon. Le volatile bat furieusement des ailes, bouscule toutes les pièces en roucoulant de contentement, puis fiente sur le plateau et dit : « J’ai gagné ! » A ce jeu, Trump a, en réalité, beaucoup perdu.
Face à la Chine, qu’il a menacée d’apocalypse tarifaire, ou face à Jerome Powell, le patron de la Réserve fédérale, qu’il a cherché à déstabiliser, Trump a eu beau battre des ailes comme un forcené, rien n’y a fait. Et quand il « gagne » – cela arrive –, c’est au prix d’un chaos indescriptible dont tout le monde pâtit. C’est ainsi qu’il a, fin juin, brisé un joyau du multilatéralisme : la taxe minimum sur les bénéfices des multinationales, fruit du plus large accord fiscal international de tous les temps.
En octobre 2021, pour la première fois, cet accord avait stoppé la course au moins-disant fiscal qui, depuis des décennies, mine les recettes des Etats et aggrave les inégalités. Plus de 130 pays s’étaient mis d’accord sur une taxation minimale de 15 % sur les profits des grandes entreprises. Certes, ce taux restait modeste. Certes, des exemptions mitaient le dispositif. Mais au moins, sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques et du G20, un accord allait permettre enfin de tenir tête aux grands groupes.
Il n’était pas interdit d’espérer que le taux de 15 % serait rehaussé dans les années qui viennent ; que les nations parviendraient à tarir ainsi l’évasion fiscale des multinationales (1 000 milliards de dollars de bénéfices, soit plus de 850 milliards d’euros, terminent chaque année dans les paradis fiscaux !) ; que des impôts planchers similaires, visant d’autres actifs élusifs comme les grandes fortunes, seraient instaurés. Bref, que les pays commençaient enfin à reprendre leur destin en main, en vue de rebâtir un cadre économique plus juste.
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