Colmar, le Monténégro, et les entiers postaux de Suisse, dans « Timbres magazine »

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Films muets et classiques sont au programme d’« Entiers postaux et cinéma : les films de fiction », un article qui montre qu’une « thématique spécialisée importante comme le cinéma peut être formée d’un seul type d’objet postal, en l’occurrence les entiers postaux », terme aujourd’hui remplacé par celui de « prêt à poster » auprès du grand public.

L’auteur, après les dessins animés, s’intéresse aux films de fiction, en commençant par le muet, et Charlot que l’on trouve jusqu’en URSS… concurrencé par un « entier » rendant hommage au Cuirassé Potemkine et sa scène du landau qui dégringole une volée de marches.

Entier postal soviétique « Charlie Chaplin ».

La compagnie américaine Vitagraph ne manqua pas d’éditer des entiers postaux sur cartes postales publicitaires (Gypsy Passion, William Duncan, dans The Silent Avenger, au début des années 1920).

Cartes postales prétimbrées aux Etats-Unis, toujours, pour Marjorie Rambeau (1889-1970), dans The Debt, ou pour les films The Girl in Waiting ou When We Were Twenty One

Aérogramme édité par la Royal Mail, évoquant « Les 39 marches ».

L’auteur se tourne ensuite vers l’Allemagne, avant de s’attaquer aux « classiques » du cinéma : Les Trente-neuf marches, d’Alfred Hitchcock. « Nombre de scènes de ce film se déroulent dans un train, l’un des espaces cinématographiques favoris du metteur en scène (…), comme la Royal Mail se fit un plaisir de le rappeler avec un superbe aérogramme dédié au pont du Forth, tout près d’Edimbourg. »

Le « Bounty », sujet de cet entier postal polynésien de 1996 (verso).
Le « Bounty », sujet de cet entier postal polynésien de 1996 (recto).

Défilent Autant en emporte le vent, Casablanca et Gigi (avec des entiers postaux chinois !), Les Raisins de la colère ou encore Les Révoltés du Bounty, version Marlon Brando (entier de Polynésie française, en 2016)…

Histoire postale avec la « poche » de Colmar : il y a 80 ans, en février 1945, Colmar et ses environs sont libérés après plus de quatre ans d’occupation allemande… En particulier, alors que la campagne d’Alsace est déclenchée en novembre 1944, « d’importants nids de résistance allemands subsistent, autour de Colmar, où une poche semi-circulaire de 65 kilomètres de long sur 50 de large se forme dans laquelle se regroupent les forces allemandes encore présentes en Alsace », non sans conséquences philatéliques…

Le trafic postal est d’abord interrompu dans la région, en distinguant trafic civil et poste militaire de campagne qui « prend le relais pour le courrier important. Le courrier expédié jusqu’au 23 novembre 1944 se trouve bloqué et retourné à l’expéditeur ».

Marques postales utilisées en 1944 et 1945 dans la « poche » de Colmar (extrait de l’article publié dans « Timbres magazine »).

La « poche » « se réduit légèrement au nord le 2 décembre 1944, avec la libération de Sélestat et de Ribeauvillé (Rappoltsweiler), le 16 avec celle d’Orbey, puis le 18 décembre avec celle de Kaysersberg. Au sud de la poche, Thann est libérée le 10 décembre 1944 ».

L’auteur, Michel Frick, le président de l’association des spécialistes en marques postales et oblitérations d’Alsace-Lorraine (SPAL) relève qu’à « partir du 2 janvier 1945, un service postal réduit est rétabli par la Reichspost au sein de la poche de Colmar (…). Du courrier est également connu avec des timbres à date de Guebwiller, Bolwiller et de Muhlbach-sur-Munster ».

En outre, « les bureaux de poste de Rouffach, la poststelle (agence postale) de Pfaffenheim ainsi que le zweigpostamt (bureau annexe) de Soultzmatt ont utilisé des cachets en caoutchouc de fortune pour oblitérer du courrier en janvier 1945. ces correspondances sont très rares ».

Chacune des divisions allemandes qui défendait la poche de Colmar était desservie par un bureau de poste de campagne. Une lettre du bureau postal militaire affecté à la 269e division d’infanterie (état-major du Grenadier-Regiment 469) et un mandat postal oblitéré avec un timbre à date du bureau de poste de la 708e Volksgrenadier Division illustrant ces propos.

Colmar est libérée le 2 février 1945, Rouffach le 5… Chalampé le 9. C’est la fin de la poste allemande dans la poche de Colmar et donc en Alsace… Un receveur des postes en retraite témoigne : « Le 2 février 1945 à 11 heures 30, les derniers allemands quittent la poste et font sauter le central. Enfin, vers 11 heures 30, les premiers soldats français et alliés franchirent le portail des PTT. »

Un service postal du Monténégro en France a existé !…

Au catalogue des timbres de France

Vincent Beghin, expert de la maison parisienne Calves, rappelle que l’on trouve dans le catalogue de cotation Yvert et Tellier des timbres de France l’équivalent d’une colonne (pages 841-842 de la dernière édition) « consacrée aux postes monténégrines en exil à Bordeaux » qui suscite de nombreuses questions. Les réponses « se trouvent dans le numéro du 25 août 1941 du Collectionneur de timbres-poste » qui publie à l’époque un article très complet sur cet épisode méconnu de la première guerre mondiale.

En effet, aux premières heures de la guerre, le Monténégro est envahi par les troupes austro-allemandes conduisant le gouvernement royal (de Nicolas Ier, qui ne retrouvera pas son trône après la guerre) et ses différents services à se réfugier en France, à Bordeaux. « Le service des postes ne fut pas le moins débordé (…). La nombreuse correspondance qui n’avait pu être remise aux destinataires fut retournée au service des postes monténégrins établi à Bordeaux afin d’être triée, puis renvoyée aux divers expéditeurs. »

Sélection de timbres de retour des postes monténégrines de Bordeaux, près de 200 euros sur eBay.

C’est ainsi que sont imprimés des « timbres de retour », destinés à être collés sur les plis récupérés, de trois modèles, légendés à gauche, « Retour à l’envoyeur » ou « Le destinataire n’a pu être atteint » sur papier de couleur pour les deux premiers. A droite, est imprimée une inscription verticale sur trois lignes, « surcharge apposée à la main », « S.P./du M./Bordeaux » (pour service postal du Monténégro/Bordeaux).

Document avec timbres de retour des postes monténégrines de Bordeaux, compter entre 200 et 300 euros environ.

Le troisième modèle, postérieur, comporte la mention bleue sur papier blanc, en majuscules, sur quatre lignes, « Monténégro/(service des postes en France)/Retour à l’envoyeur/le destinataire n’ayant pu être touché ».

Marque de retour des postes monténégrines de Bordeaux, compter une centaine d’euros.

Enfin, le directeur du service des postes du Monténégro acheta à la poste française une certaine quantité de timbres ayant cours à l’époque, « qu’il fit surcharger de la griffe S.P. du M./Bordeaux ».

« On se servit de ces timbres [de retour] pendant trois semaines, du 6 au 27 juin 1916. »

« Mais, à la suite de protestations de la poste française, se basant sur le règlement qui interdit l’apposition de marques imprimées sur les vignettes postales sans autorisation, les derniers timbres [surchargés] ne furent pas utilisés. »… Timbres (cotés de 15 à 550 euros, selon l’origine) que l’on ne rencontre donc pas sur courrier.

35 centimes violet au type « Semeuse » surchargée par les postes du Monténégro de Bordeaux, n° 7 du catalogue Yvert et Tellier, coté de 35 à 75 euros, selon l’état.

Vincent Beghin conclut qu’il « s’agit d’une émission largement philatélique, c’est-à-dire ayant été réalisée sans réel besoin de l’administration monténégrine et n’ayant de surcroît pas été autorisée par la poste française (…). Des faux existent… Mais heureusement pour la plupart de mauvaise qualité ».

Emis ou non émis

Sous le titre « Un bloc inopportun », Timbres magazine raconte l’annonce de la parution reportée d’un bloc-feuillet du territoire des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sur la « création de la réserve naturelle nationale des îles Eparses », dont fit état fugacement la boutique philatélique de La Poste :

« Je ne sais pas si ce bloc-feuillet a été imaginé avant le voyage du président de la République à Madagascar les 23 et 24 avril. Je pense que c’est probable et sa date d’émission, prévue (par Philaposte) fin mai-début juin (…). Toujours est-il qu’un certain nombre d’exemplaires ont été acquis par des collectionneurs et des négociants au grand dam des TAAF qui ont demandé qu’on en suspende la vente et qu’on récupère même ceux déjà vendus ! Renseignement pris auprès des TAAF, il nous a été dit : “… Je vous confirme qu’il n’a pas été émis officiellement. La mise en ligne temporaire de la fiche sur le site de La Poste relevait d’une erreur de calendrier indépendante de notre volonté. Le bloc est bien prévu au programme philatélique des TAAF et sa parution interviendra très prochainement.” Dont acte. Mais l’actualité nous a montré que ces îles sont revendiquées par Madagascar depuis des lustres (…). Et cette revendication a été martelée au président français lors de son séjour dans la grande île. Une réunion de la Commission mixte sur les îles Eparses doit se tenir le 30 juin à Paris (…). Alors effectivement, on peut se poser la question de savoir si l’émission d’un bloc, très écologique, sur la “création de la réserve naturelle des îles Eparses” est la bienvenue (…). Ce bloc sera-t-il un non émis ? »… Le président malgache Andy Rajoelina ayant en 2021 « dénoncé à la tribune de l’ONU une “décolonisation inachevée” », évoquant l’indépendance en 1960 de Madagascar. A suivre, donc.

Bloc-feuillet non émis des TAAF annonçant la « création de la réserve naturelle des îles Eparses » qui n’est toujours pas actée...

Quelques informations glanées au fil des pages :

L’Académie de philatélie en deuil. Sont décédés Raymond Sené, à 90 ans, membre honoraire de l’Académie de philatélie, de l’Union marcophile et de la Société des amis du Musée de La Poste ; et André Hurtré, à 78 ans, qui fut président de l’Association des collectionneurs d’entiers postaux et membre de l’Académie de philatélie.

Informations fédérales. Le nombre de membres de la Fédération française des associations philatéliques (FFAP) est en retrait, passant de 15 175 en 2023 à 14 660 en 2024. La prochaine Fête du timbre se déroulera les 7 et 8 mars 2026 et aura pour thème le street art. La FFAP a enregistré en 2024 un résultat positif de 1 007 euros contre un déficit de 45 049 euros en 2023. La FFAP a mis en sommeil son compte X (ex-Twitter), privilégiant (grâce à Vincent Lourdin et Clément Duvaltier) Facebook, Instagram et la chaîne YouTube. Au championnat de France de philatélie (Phila-France2025), Jean-Marie Vuillemard remporte le Grand Prix avec sa collection sur les timbres au type « Aigle » des colonies générales ; Le prix du Timbre classique revient à Egon Habé, qui exposait la « Marianne » de Decaris.

Religion. La Sainte tunique est le vêtement qu’aurait porté le Christ lors de sa crucifixion. Son ostension s’est déroulée du Vendredi Saint 18 avril au 11 mai dans la basilique Saint-Denys d’Argenteuil (Val-d’Oise), avec l’émission par le Cercle philatélique et cartophile d’Argenteuil (CPCA) d’un timbre personnalisé en deux couleurs, soit à l’unité, soit en feuilles de dix. Renseignements, commandes : CPCA, Espace Nelson Mandela, 82, boulevard du Général-Leclerc, 95100 Argenteuil. Courriel : cpca95.asso@gmail.com.

Festivités dans le Loiret. Semaine fédérale du cyclotourisme (3 au 10 août), Saint-Fiacre (29 août au 1er septembre) et 12e édition du festival de Loire (24 au 28 septembre) seront accompagnées par l’édition de huit timbres personnalisés « MonTimbràMoi » édités par l’Association philatélique du Loiret. Renseignements, commandes : Bernard Jutteau, 35, Faubourg Madeleine 45000 Orléans (Tél. : 06-87-43-53-85. Courriel : b.jutteau@laposte.net).

« MonTimbràmoi » édité par l’Association philatélique du Loiret.

Autres sujets au sommaire de Timbres magazine :

Courrier de la préfète et administratrice supérieure des TAAF, Florence Jeanblanc-Risler, posté le 3 janvier 2024 en Terre Adélie.
Courrier de la préfète et administratrice supérieure des TAAF, Florence Jeanblanc-Risler, posté le 3 janvier 2024 en Terre Adélie (verso).

– « Le millésime 2024 des TAAF ». Henri Dreyfus passe en revue tous les timbres parus en 2024, année qui a vu passer la préfète, administratrice supérieure Florence Jeanblanc-Risler, et les députés Clémence Guetté (LFI) et Jimmy Pahun (Les Démocrates) par la base Dumont-d’Urville (Terre Adélie) d’où ils ont expédié du courrier.

Courrier des députés Clémence Guetté et Jimmy Pahun en mission sur « l’Astrolabe », daté du 12 janvier 2024.

– « Les entiers postaux de Suisse », par Jean-Louis Emmenegger. L’auteur, par ailleurs rédacteur en chef du trimestriel helvétique Rhône Philatélie, rappelle que le premier entier postal de Suisse est genevois, paru le 27 février 1846, dont on ne connaît qu’une vingtaine d’exemplaires.

– « La mécanisation du tri du courrier : le pourquoi et le comment de l’indexation » (2e partie), par Gérard Gomez.

– « Quelle poste pour les Etablissements français dans l’Inde » (3e partie), par François Chauvin.

– Cartophilie : « Faire un tour aux Puces de Saint-Ouen », par Danielle Lacroix.

– « Répertoire des Daguin des bureaux de poste français », nomenclature des oblitérations Daguin utilisées dans les Pyrénées-Orientales (chapitre LXVI), par Michel Hervé.

« Timbres magazine », juillet-août 2025, n° 279, 108 pages. En vente en kiosques (6,90 euros), ou par correspondance (2, rue de l’Etoile, CS 79013, 80094 Amiens Cedex 3). Tél. : 03-22-71-71-87. Courriel : sbelvalette@yvert.com. Rédaction en chef : michelmelot@timbropresse.fr. Version numérique ici.

« Timbres magazine », juillet-août 2025, n ° 279, 108 pages. En vente en kiosques (6,90 euros), ou par correspondance (2, rue de l’Etoile, CS 79013, 80094 Amiens Cedex 3).
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