A la Cité internationale universitaire de Paris, depuis cent ans, « les Nations unies en miniature »

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A l’automne 1955, un étudiant encore anonyme franchit le porche à colonnes ioniques du parc ouest de la Cité universitaire, dans le 14e arrondissement de Paris. Très vite, le jeune Konstantinos Gavras demande son transfert du pavillon hellénique à la Maison des provinces de France pour apprivoiser la langue de son pays d’accueil. « Ma première grande surprise fut de trouver dans le salon tous les journaux, de droite et de gauche. Je venais d’un pays où c’était absolument impossible de voir ça », se souvient Costa-Gavras. Le réalisateur étudiait alors sur les bancs de la Sorbonne avant d’entrer à l’Institut des hautes études cinématographiques (actuelle Fémis).

Plus qu’un choc culturel, le paria exclu du système universitaire grec en raison des positions antiroyalistes de son père reçoit « un coup de matraque sur la tête », allant de surprise en surprise. Un hiver, il attrape une bronchite carabinée, mais le jeune homme « sans le sou » n’ose pas consulter un docteur. On lui conseille de se rendre à l’hôpital de la Cité universitaire (disparu depuis). Il est hospitalisé sur-le-champ. « J’étais terrifié, je me disais que je ne pourrais jamais payer la facture et, à la sortie, on ne m’a rien demandé. C’était ma découverte de la France, un enchantement, se délecte encore l’homme de 92 ans. Je suis entré dans un monde totalement différent de celui que j’avais connu. On faisait partie d’une sorte d’aristocratie d’étudiants, c’était une vie, sans exagérer, “paradisiaque”. » Quand ses rendez-vous l’amènent dans le voisinage, la nostalgie affleure et il lui arrive d’y déambuler discrètement « en pèlerinage ».

En un siècle, près de 450 000 étudiants et chercheurs – parfois illustres – sont passés entre les murs de la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP), imaginée au lendemain de la première guerre mondiale. Le conflit terminé, il faut gagner la paix. Une poignée de politiques, responsables publics et philanthropes font un pari : bâtir une cité pouvant accueillir 2 000 ou 3 000 jeunes gens venus de tous les pays du monde, amenés « à se comprendre, à nourrir moins de préjugés les uns envers les autres, à élargir le cadre de leurs horizons et à s’entendre », selon les mots d’André Honnorat (1868-1950), ministre de l’instruction publique en 1920. L’idéal pacifiste se double d’un enjeu social, à l’heure où la crise du logement étudiant sévit déjà.

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