dix personnes jugées par contumace

3460


Le 18 juillet 2016, à Buenos Aires, en Argentine, les familles des victimes ont commémoré le 22ᵉ anniversaire de l’attentat contre le centre juif AMIA, qui avait fait 85 morts.

Dix suspects, iraniens et libanais, seront jugés par contumace en Argentine dans un dossier traumatique resté sans réponse : l’attentat à la bombe contre la mutuelle juive AMIA à Buenos Aires, qui avait fait 85 morts et quelque 300 blessés en 1994.

La résolution, annoncée jeudi 26 juin par un juge fédéral et qui reste soumise à un éventuel appel, marque un tournant dans l’affaire, pire attentat de l’histoire du pays, jamais revendiqué ni élucidé, pour lequel les familles des victimes réclament justice depuis trente ans.

Dans sa résolution, à laquelle l’Agence France-Presse (AFP) a eu accès, le juge Daniel Rafecas prend acte du caractère « exceptionnel » d’un procès par contumace, procédure qui, jusqu’à il y a peu, n’existait pas en Argentine. Mais il considère qu’un tel procès « reste un outil qui permet, au moins, de tenter de découvrir la vérité, de reconstituer ce qui s’est passé, et surtout, de donner aux représentants des victimes un lieu pour s’exprimer publiquement ».

Les autorités argentines, comme Israël, suspectent depuis longtemps que l’attentat de l’AMIA (Association mutuelle israélo-argentine) a été commandité par l’Iran, avec l’appui opérationnel et logistique d’hommes du groupe armé chiite libanais Hezbollah.

L’Iran nie et refuse tout interrogatoire

L’Iran a nié toute responsabilité, et a toujours refusé que ses responsables de l’époque soient interrogés. Certains d’entre eux avaient explicitement démenti toute implication, tels l’ancien chef de la diplomatie Ali Akbar Velayati, qualifiant sur une télévision argentine les accusations de « mensonges », et enjoignant à l’Argentine « de ne pas se transformer en un instrument des sionistes ».

Parmi les suspects – huit Iraniens et deux Libanais – figurent d’anciens responsables et diplomates iraniens, visés par des mandats d’arrêt depuis 2006. Des ex-ministres iraniens comme Ahmad Vahidi (intérieur), l’ex-chef des renseignements Ali Fallahian et un ancien ambassadeur en Argentine, Hadi Soleimanpour, comptent notamment parmi les accusés.

L’accusation, rappelle le juge, considère que les accusés doivent être jugés en tant que « co-auteurs, participants nécessaires ou instigateurs, en fonction de leur contribution », pour homicide aggravé par la préméditation, le fait d’être commis en bande organisée, et des motifs de haine raciale ou religieuse.

L’Argentine a été par deux fois dans les années 1990 la cible d’attentats antisémites. En 1992, un attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires avait fait 29 morts et plus de 200 blessés. En 1994, le pire attentat sur le sol argentin, à la voiture piégée, visait l’AMIA.

Le Monde Mémorable

Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »

Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »

Découvrir

La communauté juive en Argentine, avec près de 300 000 membres, est la plus importante d’Amérique latine. En 2024, trente ans après les faits, la justice argentine statuait que ces attentats avaient été commandités par l’Iran, jugement qualifié d’« historique » par la communauté juive locale.

La procédure de procès par contumace n’existait pas dans le système judiciaire argentin jusqu’à un changement du Code pénal approuvé en mars dernier par le Parlement.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Attentat de 1994 : compromis entre l’Iran et l’Argentine

Crainte que l’affaire ne soit classée

Contrairement à l’AMIA, l’association de familles de victimes « Mémoire active » n’était pas favorable au procès par contumace, disant craindre qu’il ne serve qu’« à clore l’affaire sans vérité et sans justice ». Dans sa résolution jeudi, le juge Rafecas prend acte de ces réserves, mais considère que « ne rien faire serait pire encore », et ordonne un procès par contumace « afin d’éviter la perpétuation de l’impunité ». « Il ne s’agit pas de guérir les blessures par décret, ni d’imposer des réparations symboliques, estime le juge. Il s’agit de tenter de montrer, avec tout le soin et la surveillance nécessaires, ce qui a été fait, ce qui a fait l’objet d’une enquête, ce qui n’a pas été fait, ce qui manque, ce qui peut être examiné. Et de le faire publiquement. »

« Les terroristes accusés de l’attentat de l’AMIA pourront être jugés », s’est félicité sur X le ministre de la justice Mariano Cuneo Libarona, saluant l’exécutif pour avoir impulsé la loi permettant désormais les procès par contumace pour les crimes graves. Ni Mémoire active ni l’AMIA n’avaient réagi jeudi soir au feu vert au procès.

Le dossier AMIA a aussi eu de fortes répercussions politiques en Argentine : Cristina Kirchner, l’ex-présidente de centre-gauche (2007-2015), reste sous le coup d’une procédure pour entrave à la justice, pour avoir promu, alors cheffe de l’Etat, un « mémorandum » avec Téhéran afin que des hauts fonctionnaires iraniens puissent être entendus hors d’Argentine. L’initiative était restée lettre morte.

A l’origine de ces accusations, un procureur, Alberto Nisman, avait été retrouvé mort dans son appartement en 2015. La justice avait conclu en 2018 à un assassinat, sans qu’aucun responsable ne soit identifié.

Lire aussi (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Les Argentins exigent la vérité sur la mort du procureur Nisman

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu



Source link