

Des défenseurs des droits humains kényans se sont rassemblés, dimanche 1er juin, contre la détention de la développeuse d’une plateforme web critiquant le projet de loi de finances 2025. Il s’agit d’un nouveau cas de sanction contre une voix critique au Kenya, près d’un an après un mouvement de contestation, durement réprimé, contre la corruption et le projet de loi de finances 2024, qui prévoyait des hausses d’impôts. Les forces de sécurité sont accusées par des groupes de défense des droits humains d’avoir tué au moins 60 personnes lors des manifestations, surtout des jeunes adultes, et d’en avoir enlevé des dizaines d’autres depuis.
Le 19 mai, Rose Njeri avait partagé sur le réseau social X un lien vers Civic Email, un outil en ligne qu’elle a déclaré avoir développé pour faciliter les objections du public au nouveau projet de loi de finances, pointant que le texte entraînerait une hausse du coût de la vie et des violations de la vie privée. Selon des défenseurs des droits humains, elle a été arrêtée vendredi après-midi, suscitant une vague de condamnations en ligne.
Plusieurs dizaines de personnes, parmi lesquelles le militant des droits humains Boniface Mwangi, se sont rendues dimanche au poste de police de Nairobi où elle est détenue. « Elle nous a raconté comment quinze agents de la direction des enquêtes criminelles l’ont arrêtée », a-t-il relaté, l’air affaibli près de deux semaines après une arrestation en Tanzanie lors de laquelle il a déclaré avoir été torturé. « Ils ont saccagé et mis sa maison sens dessus dessous, confisquant son téléphone, son ordinateur portable et ses disques durs », a-t-il détaillé.
Les organisations de défense des droits humains Amnesty International et Vocal Africa ont respectivement condamné une arrestation « scandaleuse » et une « attaque flagrante contre les droits numériques, la liberté d’expression et l’engagement civique ». Selon Boniface Mwangi, Rose Njeri « garde le moral mais s’inquiète pour ses deux enfants, qui ne savent même pas où elle se trouve ». « Imaginez devoir annoncer à ses enfants qu’elle est en prison pour avoir créé un site Web facilitant la participation publique des Kényans souhaitant soumettre leurs propositions pour le budget 2025 ? La folie et l’anarchie de Ruto doivent cesser », a-t-il ajouté.
Le président kényan, William Ruto, a assuré le mois dernier que toutes les personnes enlevées à la suite des manifestations antigouvernementales de juin-juillet 2024 avaient été « rendues à leurs familles » et a promis que cela ne se reproduirait plus. Il s’agissait d’un des aveux les plus clairs du chef de l’Etat quant au fait que les forces de sécurité kényanes ont été impliquées dans des enlèvements et détentions illégales à grande échelle depuis le mouvement.