Le territoire des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) regroupe les archipels de Crozet, de Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, la Terre Adélie et les îles Eparses (ces dernières rattachées en 2007).
Gilles Troispoux rappelle, dans Tarifs postaux des Terres australes et antarctiques françaises 1948-2024 (M&P Edition, 2024) qu’un « décret du 21 novembre 1924 rattache Saint-Paul et Amsterdam, Kerguelen, Crozet et la Terre Adélie au gouvernement général de Madagascar. Ces quatre territoires sont rassemblés en un seul district devenant ainsi l’une des dépendances de Madagascar par un arrêté du 20 décembre 1949 ».
Pour la Terre Adélie, un timbre de Madagascar de poste aérienne est surchargé « TERRE ADELIE DUMONT D’URVILLE 1840 » sur trois lignes destiné à être utilisé dès 1949, lors du premier hivernage organisé en Terre Adélie sous la houlette des Expéditions polaires françaises – Missions Paul-Emile Victor, lors de l’installation de la base de Port-Martin.
Puis, la loi du 6 août 1955 érige les TAAF en territoire d’outre-mer, avec autonomie administrative, financière… et postale. Conséquence, en 1956, les premiers timbres-poste propres à ce territoire voient le jour. Ils succèdent aux timbres de France, d’abord utilisés entre 1909 et 1925, puis à ceux de Madagascar, colonie à laquelle les TAAF sont rattachées jusqu’en 1955.
Noter cependant que le catalogue de cotation des timbres-poste Yvert et Tellier recense des marques postales utilisées aux Kerguelen par l’expédition scientifique allemande du Gauss en 1901-1903.
Cette année 1955 – très exactement le 17 octobre – « charnière » enregistre l’émission d’un timbre de Madagascar surchargé en rouge « TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES » (sur deux lignes) en attendant des timbres propres au territoire émis l’année suivante, dont les « premières utilisations ont lieu le 30 avril 1956 à Kerguelen, le 8 mai 1956 à Amsterdam et le 8 janvier 1957 en Terre Adélie », détaille Gilles Troispoux (l’occupation permanente de Crozet n’étant effective qu’à partir de 1962).
Depuis, plus de 1 250 timbres-poste et de poste aérienne ont été émis par les TAAF – parmi lesquels quelques « vedettes », comme le « Concorde » non émis (à 87 francs au lieu de 85 francs pour le timbre normal mis en vente), vendu 2 700 euros par Le Timbre classique en 2022, un timbre qui avait déjà atteint 2 200 euros en 2012, chez David Feldman en Suisse –, très attendus par les collectionneurs du monde entier que le thème polaire mobilise auquel un catalogue de cotation édité par Yvert et Tellier est consacré. Soixante-dix ans de production philatélique marquée par quelques réussites graphique, signées, entre autres, Jean Delpech (1916-1988), Paul-Emile Victor (1907-1995), Serge Marko (1926-2014), Jean-Claude Mézières (1938-2022), Jean-Michel Folon (1934-2005), Pierre-Yves Trémois (2021-2020), Georges Mathieu (1921-2012), Raymond Moretti (1931-2005), Gérard Garouste, Michel Granger et, pour les plus récents, Raphaële Goineau, Oïjha, Marie Détrée-Hourrière, C215…
Collectionneurs très friands des nombreux plis passés par ces terres exotiques, au rythme des passages des bâtiments de guerre, des bateaux de pêche ou des navires ravitailleurs comme le Marion-Dufresne ou L’Astrolabe (pour la France). Les premiers plis, les plus rares, étant particulièrement recherchés. Les amateurs de documents dédicacés trouveront facilement pour des sommes de 100 euros à quelques centaines d’euros la signature de Paul-Emile Victor – qui fera l’objet d’un timbre anniversaire hors-programme pour le trentième anniversaire de son décès.
C’est ainsi que par un arrêté du 24 mars, la préfète, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Florence Jeanblanc-Risler, a fixé le programme philatélique du territoire pour l’année 2026 comme suit :
– Midwinter ;
– Télémédecine dans les TAAF.
– L’île Europa (îles Eparses) : sanctuaire des quatre éléments.
– L’otarie aux trois âges de la vie (après une représentation timbrée en 2023 aux trois âges de la vie de l’éléphant de mer).
– Les 70 ans de la construction de la base Dumont-d’Urville, en Terre Adélie.
– Forstérite (minéral, silicate), dont le nom est inspiré par celui du naturaliste Adolarius Jacob Forster (1739-1806).
– L’Aventure II. Bâtiment en service dans le Golfe du Morbihan, aux Kerguelen.
– Le mont Branca (Crozet), situé au-dessus de la base Alfred-Faure, sur l’île de La Possession.
– Alfred Alaverry, Joseph Laroche et Joseph Marie Jégu, bergers de Port-Couvreux (Kerguelen).
– Alain Lamalle (1941-2017), participant à des hivernages à Dumont-d’Urville (1967), Kerguelen (1969) et Crozet (chef de district en 1971), avant de séjourner dans les années 1980 dans l’île de L’Est et l’île des Pingouins.
– Le raid Awaca (Antarctique), conçu par l’Institut polaire, dans le cadre d’une co-initiative avec le CEA, lancé pendant la campagne d’été 2024-2025 en Terre Adélie.
Les valeurs faciales de ces timbres, qui seront diffusés en début d’année, seront précisées dans un second temps.
Le dernier berger
Concernant les bergers de Port-Couvreux, la revue « Le Souffle de la Neira » n° 74 d’avril 2021, éditée par la Société d’ethnozootechnie, a publié « Les îles Kerguelen : des hommes et des moutons », dans lequel Jean-Claude Brunelin rapporte l’histoire d’Alfred Alaverry, de Joseph Laroche et de Joseph Marie Jégu, tout en rappelant que des moutons avaient été débarqués à Kerguelen dès octobre 1908.
« En 1911, les Frères Bossière forment la Société Concessionnaire des îles Kerguelen qui dégage un bénéfice. Toujours dans l’optique d’élever des moutons, une campagne de prospection territoriale est montée en 1912 sur les Kerguelen. C’est le baron Pierre Decouz qui est missionné en tant que responsable. L’objectif fixé est de trouver le meilleur terrain pour créer une colonie et accueillir les ovins. Accompagné de Valérien Culet, guide de haute montagne [et berger à Bonneval-sur-Arc], il débarque le 1er février 1912 et explore le golfe du Morbihan. Après quelques jours et un aller-retour à Durban, d’où il ramène quelques moutons, il s’installe dans la Baie de l’Observatoire fin mars pour préparer son hivernage. Les frères Bossière créent la Compagnie Générale des îles Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam en septembre 1912 et arment deux bateaux, le Jacques et l’Yves de Kerguelen. Ce dernier quitte Le Havre avec une nouvelle équipe de bergers : Abel Chapalbert, Bernard Joli et Théophile Combey. » Ce sont les premiers bergers de Kerguelen, suivis d’autres les années ultérieures : Alfred Alaverry, Bernard Joly et Abel Champalbert (1913), etc. Et donc nos bergers timbrés en 2026, Alfred Alaverry, Joseph Laroche et Joseph Jégu débarquant à Port-Couvreux en 1925, il y a près de cent ans… Alaverry réembarquant en mars 1926 sur la Lozère, laissant ses deux comparses à Port-Couvreux…
Le dernier berger des Kerguelen, David Grangette, officiait au début des années 2000 avant que le troupeau cantonné à l’Ile Longue ne soit définitivement éradiqué en 2015.
Pour la télémédecine, une expérience fut menée en 2006 aux Kerguelen, à l’occasion de l’ascension du Mont Ross (expédition TelRoss), dans le cadre d’une mission menée par l’institut de formation et de recherche en médecine de montagne (Ifremmont) avec l’équipe de l’alpiniste Lionel Daudet accompagné par le Dr Emmanuel Cauchy (1960-2018), ce dernier décédé par la suite dans une avalanche au-dessus de Chamonix.
Cette émission fait écho au timbre « Service de santé des armées » paru en 1997.
L’otarie reste une valeur sûre de la philatélie des TAAF, de Kerguelen ou d’Amsterdam, avec des timbres parus pratiquement tous les ans, en sujet principal ou secondaire, depuis 1956 jusqu’à 2023.
Pour la Midwinter (littéralement « mi-hiver »), Archipôles (« les archives polaires françaises ») dispose de témoignages photographiques de cet événement festif annuel organisé tous les 21 juin, qui marque le solstice d’hiver dans l’hémisphère sud, célébré par les hivernants dans les trois districts austraux et en Antarctique.
« La tradition de la Midwinter, qui remonte à 1902, a été lancée par Ernest Shackleton lors d’une expédition en Antarctique menée par l’explorateur Robert Falcon Scott. Elle visait à égayer le quotidien des membres de l’expédition. Depuis, cette coutume perdure et constitue l’événement festif le plus important de l’année ! », précise la page Facebook des TAAF.
La richesse naturelle d’Europa
L’île Europa – qui fait l’objet d’une « reconnaissance » en 1896 par le capitaine de vaisseau Le Do (1843-1903), à bord du Lapérouse, à l’initiative de Gallieni, avec une prise de possession officielle l’année suivante – a déjà bénéficié de timbres, en 2007, en 2009 (carnet sur « Les îles Eparses ») ou en 2017. La richesse naturelle d’Europa – mangrove, récifs coralliens, biodiversité, origine volcanique, etc. – offre un grand choix d’illustrations.
Aux 70 ans de la base Dumont-d’Urville (et de la station Charcot, abandonnée en 1959), en Terre Adélie, correspond bien sûr le 70e anniversaire de la réouverture du bureau de poste local, officiellement le 1er janvier 1956, dans la foulée de la création du territoire des TAAF en 1955. « Réouverture » car du courrier affranchi à l’aide du 100 francs « Zéphyr » de poste aérienne de Madagascar surchargés « Terre Adélie/Dumont d’Urville/1840 » (tirage : 200 000 exemplaires) a déjà été oblitéré sur place dès 1949, comme le racontent en détail les historiens Pierre Couesnon et André Guyader dans Histoire postales des Terres australes et antarctiques françaises des origines à 1955 (1999).
Les TAAF, créées par la loi du 6 août 1955, célèbrent donc leur 70e anniversaire en 2025. Florence Jeanblanc-Risler, rappelle que « cet anniversaire est l’occasion de mettre en lumière tout au long de l’année ces territoires méconnus qui s’étendent sur plus de 80 % de l’hémisphère Sud, entre le 11e parallèle (îles Eparses) et le 66e parallèle (Terre Adélie) et représentent 20 % du domaine maritime français ».
De plus, « la réserve naturelle nationale des Terres australes, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco [en 2019] et sur la liste verte de l’Union internationale de la conservation de la nature constitue aujourd’hui la plus grande aire marine protégée française et la deuxième mondiale », avec plus de 1,6 million de kilomètres carrés. Avant de « saluer le courage exemplaire des hivernants d’Amsterdam marqués par un incendie début 2025 », dont les médias se sont largement fait l’écho, qui a consumé près de 55 % de la superficie de cette île de l’océan Indien de 58 kilomètres carrés.
Au programme des festivités de cet événement, le Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, accueillera un colloque sur « Les Terres australes et antarctiques françaises : territoire d’exploration, d’imaginaire et de science » les 19 et 20 novembre. Notons qu’un magnifique « carnet de voyage historique » timbré était paru en 2005, pour le cinquantenaire des TAAF.
Enfin, un timbre anniversaire hors programme paraîtra le 6 août, dessiné par Xavier Gorce, dans l’esprit de sa carte de vœux 2025 créée pour le territoire.
Acheter des timbres, et recevoir du courrier des TAAF
Le plus simple, pour acheter des timbres des TAAF, reste de se connecter sur le site de la boutique philatélique de La Poste, rubrique « timbres hors métropole » (TAAF).
Vous pouvez aussi vous rendre au siège des TAAF, à La Réunion, rue Gabriel Dejean, à Saint-Pierre. En métropole : Le Carré d’Encre, 13 bis, rue des Mathurins 75009 Paris.
Pour le courrier, le site des TAAF fournit une marche à suivre très précise.
Pour adresser du courrier au commandant du Marion Dufresne, bâtiment qui assure la logistique des Terres australes françaises, dans l’océan Indien, et obtenir une réponse (fournir une enveloppe timbrée à votre adresse, timbre de métropole ou des TAAF) :
– Commandant du Marion-Dufresne, C/O GMC Shipping Agency, 83, rue Jules-Verne, CS 51176, Zone industrielle n° 2, 97829 Le Port Cedex, La Réunion.
Pour recevoir du courrier des différents districts du territoire, vous devez en premier lieu libeller une lettre à votre adresse affranchie avec un timbre des TAAF (que vous aurez préalablement acheté) au tarif en vigueur.
Glisser le pli dans une enveloppe timbrée (timbre de France) adressée à la gérance postale de votre choix :
– M. le gérant postal du district de Crozet, Base Alfred Faure – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 51302, 97829 Le Port Cedex.
– M. le gérant postal du district de Kerguelen, Base de Port aux Français – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 41301, 97829 Le Port Cedex.
– M. le gérant postal du district de Saint-Paul et Amsterdam, Base Martin-de-Viviès – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 31300, 97829 Le Port Cedex.
– M. le gérant postal du district de terre Adélie, Base Dumont-d’Urville – District de Terre-Adélie – TAAF, Via Roissy Hub, BP 17615 Cargo 9, 95724 Roissy CDG Cedex
– M. le vaguemestre de l’île Tromelin, District des Iles Eparses de l’océan Indien – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 91297, 97829 Le Port Cedex.
– M. le vaguemestre de l’île Juan de Nova, District des Iles Eparses de l’océan indien – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 11298, 97829 Le Port Cedex.
– M. le vaguemestre de l’île EUROPA, District des Iles Eparses de l’océan indien – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 21299, 97829 Le Port Cedex.
– M. le vaguemestre de l’île Glorieuses, District des Iles Eparses de l’océan indien – TAAF, 5, rue Francis Sautron, CS 81296, 97829 Le Port Cedex.
Votre lettre vous reviendra après avoir voyagé jusqu’aux TAAF, patience de rigueur !
