« Au regard de sa responsabilité historique, la France ne peut pas détourner son regard d’Haïti »

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Il y a exactement deux siècles, le 17 avril 1825, la France concédait l’indépendance « pleine et entière » à son ancienne colonie de Saint-Domingue, qui avait gagné son indépendance face aux troupes napoléoniennes et pris le nom d’Haïti vingt et un ans plus tôt, moyennant le versement d’une somme de 150 millions de francs or. Forcé d’accepter cette demande sous la menace militaire et dans le but d’avoir une reconnaissance internationale comme Etat indépendant, Haïti se voyait aussitôt contraint d’emprunter auprès de banques françaises pour assurer le premier versement, subissant ainsi le poids d’une double dette : celle de l’emprunt et celle des intérêts de l’emprunt.

Cette dette imposée par la force a été officiellement soldée dans les années 1950, mais pèse toujours sur Haïti. Selon une enquête du New York Times de mai 2022, Haïti a versé l’équivalent de 525 millions d’euros à la France. Ces paiements ont créé « une spirale d’endettement qui a paralysé le pays pendant plus d’un siècle ». Les remboursements ponctionnant une partie considérable de ses recettes publiques, c’est tout son développement économique et social qui a été entravé, ainsi que le déploiement de ses services publics, qu’il s’agisse de chantiers d’infrastructures, de politiques de santé ou d’éducation.

Nous n’ignorons pas que la politique extérieure des Etats-Unis a contribué, au XXe siècle, à engager toujours plus Haïti dans une dépendance économique, aggravée par les régimes dictatoriaux successifs, mais la dette exigée par la France a été prépondérante dans la paupérisation du pays et dans son surendettement ultérieur.

Ouvrir le processus de réparation

Deux cents ans plus tard, la crise économique, sécuritaire, sanitaire et sociale que traverse actuellement le pays, frappé par deux terribles séismes en 2010 et 2021, et son instabilité politique sur fond de corruption et de guerre des gangs, sont évidemment multifactorielles. Mais, au regard de sa responsabilité historique, la France ne peut pas détourner son regard d’Haïti, comme si elle n’avait pas contribué à cette situation.

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