un désordre créé par Donald Trump

3005


Le « brouillard de la guerre » ne vaut pas que pour les conflits armés. Le concept clausewitzien s’applique également pour les offensives douanières, surtout lorsqu’elles sont lancées par Donald Trump. Il impose avec lui l’élément le plus redouté des gouvernements, des entreprises et des particuliers : l’incertitude. Les taxes annoncées en fanfare le 2 avril sont-elles définitives ou bien un simple levier de négociation ? Une semaine plus tard, personne n’est capable de répondre à cette question essentielle, ce qui explique les soubresauts boursiers déclenchés par le président des Etats-Unis.

Contrairement au début de son premier mandat, lorsqu’il était encore entouré de responsables aguerris, Donald Trump semble livré à lui-même et à des instincts qui paraissent avoir comme seul objectif de défier la science économique. Au lieu d’engager un cycle vertueux, à ses yeux, de relocalisations et de réindustrialisation pour éviter le couperet des barrières douanières, la hausse massive des taxes risque au contraire de précipiter un attentisme synonyme de risque de récession tout en relançant l’inflation. Les électeurs américains n’ont pas voté pour de telles conséquences.

Cette tension met en évidence les fragilités d’une administration écrasée par la personnalité d’un président qui privilégie un seul critère : la loyauté aveugle. Il explique l’influence de Peter Navarro, le boutefeu de la guerre commerciale en cours, passé par la prison en 2024 pour avoir refusé de témoigner devant une commission d’enquête consacrée à l’assaut contre le Capitole lancé par des fidèles trumpistes, le 6 janvier 2021. Le même mécanisme explique le limogeage de hauts responsables du Conseil de sécurité national et de l’Agence de sécurité nationale (NSA), les 3 et 4 avril, à la suite du passage dans le bureau Ovale d’une influenceuse d’extrême droite bien en cour, Laura Loomer.

Incrédulité confondante

Malheureusement pour les Etats-Unis, le Congrès, dominé par des républicains sous l’emprise du président, refuse de jouer son rôle indispensable de corde de rappel. Rares sont en effet les voix conservatrices à protester contre ces taxes douanières. Elles se traduisent pourtant dans les faits par des taxes imposées sur les consommateurs américains au mépris de la Constitution, qui confie cette prérogative à la Chambre des représentants et au Sénat.

Le monde des affaires et de la finance, qui, dans un premier temps, a largement soutenu Donald Trump dans l’espoir de baisses d’impôts et de mesures de déréglementation, déchante. L’incrédulité face à un protectionnisme agressif, pourtant clamé haut et fort, est confondante. Il a fallu attendre trois jours consécutifs d’effondrement boursier pour que des voix commencent à s’élever parmi les grands noms de la banque, du commerce ou de l’industrie aux Etats-Unis. Pas assez nombreuses, et tardives, elles alertent sur les risques d’une guerre commerciale mondiale qui est en train de saper les fondements de l’économie américaine.

Ces atermoiements politiques et économiques risquent de conforter Donald Trump dans ses dangereuses convictions et de nourrir son sentiment de toute-puissance. Les Etats-Unis sont en train de s’auto-infliger des dommages substantiels qui vont se propager au reste du monde. Ils sont les seuls à pouvoir arrêter cette crise avant qu’elle ne dégénère pour de bon. Il est plus que jamais urgent d’activer les signaux d’alarme en espérant qu’ils puissent encore avoir de l’influence sur Donald Trump.

Conway (Caroline du Nord), une petite ville entourée de fermes, le 6 avril 2025. Les récents tarifs douaniers du président Trump risquent d’impacter les agriculteurs de cet Etat qui exportent des cultures telles que le soja et le maïs.

Le Monde

Réutiliser ce contenu



Source link