
L’émotion est toujours vive en Corse, une semaine après l’assassinat, samedi 15 février à Ponte-Leccia, dans le centre de l’île, de Chloé A. une étudiante de 19 ans, vraisemblablement ciblée par erreur dans le cadre d’une vendetta entre clans criminels. « Un nouveau pas a été franchi dans l’horreur », s’est indigné au lendemain le président de l’exécutif, l’autonomiste Gilles Simeoni, refusant cette « spirale de violence » émanant de « dérives mafieuses », alors qu’un rapport détaillant 30 propositions pour lutter contre le crime organisé sera débattu jeudi 27 février à l’Assemblée de Corse.
« Dérives mafieuses » – et non mafia –, l’expression est dans l’air du temps. Elle a été reprise par le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau au Palais-Bourbon, mardi 18 février, pour évoquer ces faits, puis employée vendredi à Ajaccio lors de la présentation du plan départemental de restauration de la sécurité du quotidien par le préfet de Corse, Jérôme Filippini, qui dit préférer l’action à la « sémantique ».
Le document préfectoral indique sans surprise un paradoxe éprouvé : la Corse affiche le plus faible taux national de faits de délinquance du quotidien (34,5 en 2024 pour 1 000 habitants en Corse-du-Sud par exemple), alors qu’elle est la région métropolitaine la plus criminogène avec un taux moyen de 3,45 homicides pour 100 000 habitants. L’île compte déjà trois assassinats depuis le début de l’année et les services de l’Etat ont enregistré 18 homicides et 16 tentatives pour 355 000 habitants en 2024. « Le mythe du voyou doit être déconstruit », indique au Monde le procureur de la République d’Ajaccio, Nicolas Septe, demandant des « outils juridiques appropriés », et indiquant que « la société civile doit s’en saisir. »
Un guet-apens tendu par deux tueurs
La société corse, justement, se repasse en boucle le scénario glaçant qui s’est joué à Ponte-Leccia samedi aux alentours de 22 heures – la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille est désormais saisie. Alors que la jeune fille conduisait seule le véhicule de son compagnon, elle est tombée dans un guet-apens tendu par deux tueurs munis d’une arme de poing semi-automatique et d’un fusil. « Selon les premières constatations, une quinzaine d’impacts de 9 mm et de chevrotines ont été relevés », indique Nicolas Bessone, le procureur de la République de Marseille. Une poignée de minutes plus tard, le véhicule des tueurs était retrouvé incendié à une vingtaine de kilomètres de la scène de crime, avec les deux armes calcinées à bord, a confirmé le parquet, stigmate supplémentaire du grand banditisme.
Il vous reste 53.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.