

« L’Etat n’a pas été au rendez-vous » dans l’affaire des violences physiques et sexuelles qui ont perduré pendant plusieurs décennies à l’école Notre-Dame de Bétharram, a regretté vendredi 21 février la ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne. Le collectif de victimes de Bétharram a recensé 132 plaintes. Les victimes, enfants ou adolescents à l’époque des faits, décrivent des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.
Sur RMC, la ministre a jugé également difficile de « comprendre pourquoi on n’a pas agi plus tôt » dans cette affaire qui éclabousse François Bayrou. Mme Borne dit vouloir que le gouvernement continue à agir « pour que la parole se libère ».
Trois hommes – un religieux et deux surveillants laïcs nés en 1931, 1955 et 1965 – avaient été interpellés et placés en garde à vue mercredi pour des « viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et/ou violences aggravées », sur une période allant de 1957 à 2004, selon le parquet de Pau. Ces interpellations sont intervenues un an après le lancement d’une vaste enquête sur cet établissement presque bicentenaire des Pyrénées-Atlantiques, longtemps réservé aux garçons, avec son pensionnat à la réputation « stricte ».
Le prêtre nonagénaire a été relâché jeudi, sans précisions du parquet sur la suite de la procédure judiciaire, et les victimes espèrent maintenant de premières mises en cause après la fin des gardes à vue des deux surveillants, au plus tard en début d’après-midi.
« Regarde ce que tu m’obliges à faire »
Des victimes interrogées par l’Agence France-Presse (AFP) mettent en cause les trois suspects. « J’ai subi des punitions, des violences, on nous caressait à la sortie des douches, personne ne disait rien, on avait 9 ans ! », enrage Brice Ducos, 49 ans, interne à Bétharram entre 1984 et 1991, ciblant l’un des deux surveillants surnommé « Cheval » à l’époque.
Allusion à la chevalière qu’il portait à une main et qu’il retournait avant de gifler un élève, en lui disant : « Regarde ce que tu m’obliges à faire », témoigne auprès de l’AFP un autre ancien, scolarisé de 1973 à 1980, qui a requis l’anonymat.
Antoine (prénom modifié), 48 ans, incrimine, lui, l’autre surveillant écarté l’an dernier. « J’ai été son protégé », dit-il, évoquant des agressions sexuelles sous la tente lors de sorties scouts, puis des masturbations hebdomadaires, quatre ans durant, quand il habitait chez lui.
Jean-Marie Delbos, 78 ans, accuse, lui, le nonagénaire, « jeune ecclésiastique » quand il le vit arriver au dortoir en 1957. Il « venait la nuit, soutane ouverte, s’accroupir au pied du lit pour faire des attouchements et des fellations », raconte-t-il. Des « faits graves », « en contradiction totale avec l’esprit de l’enseignement catholique », a réagi jeudi la Conférence des évêques de France.
Ne pas « s’interdire » des inspections inopinées
L’établissement, qui n’a presque jamais été inspecté en trente ans, à part un contrôle en 1996, qui n’avait rien relevé d’anormal, doit faire l’objet d’une inspection académique le 17 mars.
Newsletter
« La revue du Monde »
Chaque week-end, la rédaction sélectionne les articles de la semaine qu’il ne fallait pas manquer
S’inscrire
La ministre Borne a justifié l’annonce à l’avance de cette inspection, en expliquant que les établissements contrôlés doivent « se préparer pour fournir toutes les pièces », notamment en vue d’une évaluation de leurs finances, vu la contribution significative de l’Etat au budget de ces écoles.
Elle relève que le gouvernement veut accélérer les contrôles des établissements privés « avec un objectif 40 % » dans les vingt-quatre mois, alors que ces inspections étaient quasi inexistantes auparavant. Elle a suggéré ne pas « s’interdire » des inspections inopinées.
Mme Borne déplore, par ailleurs, une « exploitation politique qui peut être faite par Mediapart, par la France insoumise » avec, selon elle, un objectif de « mise en cause politique de François Bayrou », qui nie avoir été au courant des violences à Bétharram.
« Mediapart, la France insoumise donneraient l’impression que le seul qui n’aurait pas vu ce qu’il aurait dû voir, ce serait François Bayrou », poursuit Mme Borne, alors que des « plaintes pour violences sexuelles » ont été « déposées à partir des années 1998 », et « qu’il y en a d’autres qui n’ont sans doute pas vu ou pas réagi à l’époque ».