Après les sanctions contre la CPI annoncées par Donald Trump, 79 pays dénoncent l’augmentation du risque d’« impunité pour les crimes les plus graves »

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Des juges entrent à la Cour pénale internationale, à La Haye (Pays-Bas), le 19 juillet 2024.

Les sanctions prises par le président américain, Donald Trump, contre la Cour pénale internationale (CPI) « augmentent le risque d’impunité pour les crimes les plus graves et menacent de miner l’état de droit international », ont dénoncé, vendredi 7 février, 79 parties à la CPI.

« En tant que fervents soutiens de la CPI, nous regrettons toute tentative de saper l’indépendance de la Cour », ajoutent ces 79 signataires dans une déclaration commune lancée par la Slovénie, le Luxembourg, le Mexique, la Sierra Leone et le Vanuatu, rejoints notamment par la France, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, les Palestiniens, l’Allemagne, le Canada, le Chili ou le Panama.

Le président américain, qui reproche à la CPI d’avoir mené des « actions illégales », a signé jeudi un décret interdisant notamment l’entrée aux Etats-Unis à ses dirigeants, employés et agents, et qui prévoit de geler tous leurs avoirs détenus dans ce pays. Selon le texte diffusé par la Maison Blanche, la Cour a « engagé des actions illégales et sans fondement contre l’Amérique et notre proche allié Israël », des références aux enquêtes de la CPI sur des crimes de guerre présumés de soldats américains en Afghanistan et de militaires israéliens dans la bande de Gaza.

Dans un communiqué, la CPI a condamné ce décret, qui vise « à imposer des sanctions à ses fonctionnaires et à nuire à son travail judiciaire indépendant et impartial ». « La Cour soutient fermement son personnel et s’engage à continuer de rendre justice et de redonner espoir à des millions de victimes innocentes d’atrocités à travers le monde », a ajouté l’institution basée à La Haye.

Le premier ministre néerlandais, Dick Schoof, a assuré de son côté que, « en tant que pays hôte », les Pays-Bas avaient « la responsabilité de garantir le fonctionnement sans entrave de la Cour pénale [internationale] à tout moment. Et nous continuerons à le faire » malgré les sanctions américaines annoncées, a-t-il déclaré vendredi lors de sa conférence de presse hebdomadaire.

« Un élément essentiel de l’infrastructure des droits de l’homme »

La CPI est une juridiction permanente chargée de poursuivre et juger des individus accusés de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre. Fondée en 2002, la Cour compte aujourd’hui 125 Etats membres et n’a prononcé qu’une poignée de condamnations.

Seul Israël s’est félicité de la décision prise contre la CPI, qui n’a « aucune légitimité », selon son chef de la diplomatie. L’ONU et l’Europe ont vivement protesté vendredi contre la décision américaine. « Nous soutenons pleinement le travail indépendant de la Cour », un « élément essentiel de l’infrastructure des droits de l’homme », a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani, demandant aux Etats-Unis « de revenir sur cette mesure ».

La décision de M. Trump de sanctionner la CPI « menace son indépendance et mine l’ensemble du système de justice internationale », a averti de son côté Antonio Costa, président du Conseil européen. L’Union européenne a pour sa part « regretté la décision américaine, se réservant la possibilité de prendre des mesures de son côté », a affirmé un porte-parole, sans donner de détails. La CPI « joue un rôle primordial dans le maintien de la justice pénale internationale et la lutte contre l’impunité », y compris en Ukraine, selon lui.

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La France va se mobiliser, « en lien avec ses partenaires européens et les autres États partis au statut de Rome », pour que la CPI soit « toujours en mesure de continuer à remplir sa mission de manière indépendante et impartiale », a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères français. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, proche de Donald Trump, a au contraire exprimé sa volonté de retirer son pays du statut de Rome.

Impact opérationnel paralysant

Dans un communiqué sur X, le ministre des affaires étrangères israélien, Gideon Saar, a assuré pour sa part que la CPI poursuivait « de façon agressive les dirigeants élus d’Israël, la seule démocratie au Moyen-Orient ». Selon lui, la Cour n’a aucune légitimité, dans la mesure où Israël et les Etats-Unis ne sont « pas membres de la CPI ».

Les républicains américains et de nombreux démocrates s’étaient indignés de l’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, reçu mardi dernier par le président américain, ainsi que contre l’ancien ministre de la défense israélien, Yoav Gallant.

Ses juges ont estimé qu’il y avait des « motifs raisonnables » de soupçonner les deux hommes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour le conflit à Gaza, qui a suivi l’attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien. M. Nétanyahou avait qualifié la décision d’antisémite, tandis que l’ancien président américain, le démocrate Joe Biden, avait jugé « scandaleux » les mandats d’arrêt contre les Israéliens.

Selon des experts consultés par l’AFP, les sanctions américaines pourraient avoir un impact opérationnel paralysant. L’interdiction de voyager aux États-Unis pour le personnel de la CPI peut compliquer son travail, et des institutions financières peuvent refuser de travailler avec la Cour, dans la crainte des représailles américaines.

Les sanctions pourraient également affecter les opérations techniques et informatiques de la juridiction, y compris la collecte de preuves. Certains craignent même que des victimes d’atrocités présumées hésitent à se manifester.

Le Monde avec AFP

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