« Pour lutter contre la délinquance des mineurs, nos ministres successifs préfèrent changer la loi plutôt que garantir l’application de la précédente »

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Une nouvelle fois, à l’occasion d’un crime effroyable dans lequel sont impliqués des mineurs – un adolescent de 14 ans, Elias B., a été tué pour son téléphone portable, le 24 janvier –, les responsables publics répondent à la légitime émotion populaire en exposant leurs solutions pour prévenir un tel drame. La litanie des appels au retour de l’autorité se fait entendre tandis que la justice des mineurs est qualifiée de « fiasco » par un ministre de l’intérieur toujours très critique à son égard. Le gouvernement mobilise l’imaginaire désirable d’une société sans crime et promet d’éradiquer la délinquance juvénile par une réforme législative consistant à accélérer le jugement des délits (comparution immédiate pour les mineurs) et inciter les juges à prononcer des peines plus sévères (suppression de l’« excuse de minorité » dans certains cas).

Ces solutions se fondent sur deux postulats sur lesquels il faut s’interroger si l’on veut trouver d’autres voies que celle d’une énième réforme qui risque de rester aussi inefficace que les précédentes.

Le premier affirme que les mineurs d’antan ne sont pas ceux d’aujourd’hui, rendant la loi désormais inadaptée à la gravité de leurs comportements. Toutefois, la longévité de ce postulat tend à l’invalider. Les « Apaches » des années 1900, les blousons noirs des années 1960, les jeunes des quartiers des années 2000 : cela fait plus d’un siècle que les jeunes d’aujourd’hui sont pires que ceux d’hier. Que dire d’une société qui veut invariablement réprimer plus sévèrement ses adolescents ? En toute hypothèse, la loi pénale permet aujourd’hui de condamner un mineur de plus de 16 ans à la réclusion criminelle à perpétuité pour certains crimes. C’est le maximum que puisse prévoir un Etat de droit, étant observé que nombre de pays européens se privent volontairement d’un tel dispositif sans pour autant être dévastés par leur jeunesse.

Le deuxième affirme qu’une réponse pénale, pour être efficace, doit être « rapide et ferme » selon la terminologie consacrée. Qu’en est-il ? D’une part, fonder la prévention de la délinquance sur l’extrême sévérité des peines témoigne d’une méconnaissance des facteurs souvent multiples du passage à l’acte criminel. Des mineurs sont impliqués dans des crimes leur faisant encourir la peine la plus lourde de notre code pénal, preuve qu’elle n’a pas le caractère dissuasif escompté.

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