« Le manque de maîtrise mathématique ne devrait pas être superfétatoire pour la culture de chacun, et de chacune »

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On n’y prend pas garde le plus souvent, et c’est pourtant éclairant : on parle d’« erreurs » en mathématiques et de « fautes » de français, d’expression ou de goût ; et aussi d’« erreurs » de calcul et de « fautes » d’orthographe. Péchés véniels pour les uns (simples « erreurs » qui n’affectent pas vraiment la valeur de la personne), péchés presque mortels pour les autres (des « fautes »). Cela en dit long, si l’on y réfléchit quelque peu, quant aux valorisations à l’œuvre dans le domaine du développement personnel et de la culture.

Et cela est redoublé par la façon dont on tend plus ou moins consciemment à considérer et à traiter les mathématiques selon le genre. C’est l’ensemble de ce soubassement qu’il faut déconstruire si l’on veut mettre en cause un certain manque de sérieux dans l’appréhension de nos mauvais résultats en mathématiques, en particulier la différence qui tend à s’accroître entre ceux des filles et ceux des garçons, comme l’a révélé la dernière enquête Timss [pour « Trends in International Mathematics and Science Study », dont l’édition 2023 a été rendue publique en décembre]. Le manque de maîtrise mathématique ne devrait pas être superfétatoire pour la culture de chacun, et de chacune.

A cet égard, on peut noter que les différences n’ont pas manqué lors même de l’institution de l’école républicaine de la IIIe République, sans que l’on s’en émeuve, tant s’en faut. Par exemple, lors de la création de l’enseignement secondaire public des jeunes filles en 1880, il s’agissait d’un enseignement de lettres et de langues vivantes modernes.

En mathématiques, il est alors préconisé « un programme essentiellement distinct » de celui des jeunes gens. Maitrot, le rapporteur dans cette discipline, s’en explique clairement : « Il serait inutile, et même fâcheux de développer chez les jeunes filles l’esprit d’abstraction ; d’autre part, elles n’ont que faire des mathématiques appliquées puisqu’elles ne deviendront pas ingénieurs. » En définitive, les mathématiques « doivent être, avant tout, pour les jeunes filles, un instrument, une introduction obligée à l’étude des sciences physiques et naturelles qu’un esprit cultivé ne peut ignorer ». On aura remarqué que les mathématiques n’ont pas, dans ce cadre, une valeur en soi pour être cultivé.

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