La manipulation des élections roumaines, une leçon pour les démocraties

3563


L’élection présidentielle roumaine, organisée dimanche 24 novembre avant d’être annulée, vendredi 6 décembre, par la Cour constitutionnelle de Bucarest, a eu tout du scénario cauchemar pour nos démocraties libérales. Venu de nulle part, Calin Georgescu, candidat complotiste et prorusse – qui promettait notamment d’abolir les partis politiques –, arrive en tête du premier tour, après s’être fait connaître grâce à une opération de manipulation savamment orchestrée sur TikTok.

En dépit de l’opacité entourant son CV, ses proches et l’origine des fonds qui ont financé sa campagne, il avait de bonnes chances de l’emporter au second tour face à une adversaire pro-européenne fragile, avant que l’élection soit annulée à la dernière minute en raison d’un « processus électoral entaché d’irrégularités ». Une décision rarissime dans l’Union européenne, mais qu’il faut mettre en rapport avec le niveau de doute inédit qui a entouré cette élection.

Pour la première fois dans l’ère des réseaux sociaux, des acteurs très probablement « étatiques », selon les services de renseignement roumains, sont en effet arrivés à manipuler les algorithmes de TikTok avec une telle efficacité que les vidéos du candidat qu’ils soutiennent ont réussi, en quelques semaines, à envahir les téléphones des 9 millions d’utilisateurs roumains du réseau chinois, à en faire la neuvième tendance au niveau mondial, et à convertir les dizaines de millions de vues virtuelles en plus de 2 millions de voix bien réelles dans un pays de 19 millions d’habitants.

Bien sûr, la progression des idées d’extrême droite prorusses dans l’opinion publique roumaine n’a pas attendu TikTok. Comme ailleurs dans le monde occidental, le cocktail entre inflation record, fatigue de la guerre en Ukraine et sentiment de dégagisme alimente depuis des mois une frustration sur laquelle une série de formations politiques nationalistes prospèrent. Mais, au sein de ce terreau favorable, le succès spécifique de M. Georgescu n’avait, lui, strictement rien de naturel.

Il vous reste 65.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link