« Disons qu’il fait jour, le temps est sec et ensoleillé, néanmoins la dépouille se trouve à l’ombre. » Le médecin légiste vient d’arriver, et l’officier de police judiciaire retranscrit chaque détail de l’examen du corps. « La victime est de sexe masculin, de type africain, de corpulence mince, cheveux crépus noirs et courts, porteur d’une barbe clairsemée, yeux de couleur foncée. » Sang en zigzag sur un mètre, projections sur le mur de l’école maternelle, balle dans l’œil. Nous sommes le 24 octobre 2020, dans une ruelle séparant deux cités du nord de Marseille. « XY Raimu » y a été retrouvé mort à 8 h 32, par un passant. Pas d’identité, rien dans les poches, il fallait bien que le policier trouve une façon de le nommer.
XY Raimu tient encore la fermeture Eclair de son manteau avec sa main gauche. « Les bras sont relevés à hauteur de la tête, les paumes de main vers le haut. » Le procès-verbal revient trois fois à la ligne pour décrire la suite. Le bas de jogging est de couleur rouge. On y compte trois bandes, quatre étoiles dorées, six lacérations. A la ligne. Sous ce pantalon, « découvrons un second bas de jogging gris, ensanglanté ». A la ligne. Dessous, en « découvrons un troisième ». Celui-ci est noir, et tout aussi taché de sang. Trois pantalons et deux t-shirts enfilés comme une armure pour tenter de protéger vainement un corps bardé d’ecchymoses, de lésions, de brûlures, de lacérations.
L’autopsie tire deux conclusions face à la dépouille suppliciée : la victime a été maltraitée, puis tuée d’une balle dans la nuque, « à bout touchant ou à très courte distance », ressortie dans l’œil. Une exécution. L’enquête ouverte pour meurtre en bande organisée s’oriente immédiatement « vers la thèse d’une séquestration avec actes de torture », traduit la capitaine de la brigade criminelle de Marseille, dans un rapport de transmission.
« Si je parle, je suis une balance »
Les empreintes « matchent » avec un profil connu des services de police : celui d’Evandro, 19 ans. XY Raimu a désormais un nom, et une vie fauchée « dans un contexte de règlement de comptes », résume l’enquête. A quelques mètres de son corps, canapés, fauteuils et détritus racontent la vie d’attente des « choufs », gardiens du « plan stup » de la cité, ouvert de 9 h 30 à 22 heures en semaine, jusqu’à 2 heures du matin le week-end. Le sous-prolétariat du trafic de drogue, souvent mineur, ou à peine majeur.
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