A Lille, « La Dame qui colle » rend justice aux femmes victimes de violences sexuelles ou sexistes­

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Julie, alias “La Dame qui colle”, devant le dessin de Gisèle Pelicot qu’elle a collé sur un mur d’Avignon, le 2 décembre 2024.

Appelez-la « La Dame qui colle ». C’est sous son seul nom d’artiste que Julie, 38 ans, choisit de se présenter. Derrière le regard clair, une détermination douce. Installée à la fenêtre de son atelier, dans le quartier populaire de Moulins, à Lille, la jeune femme allume une cigarette roulée, pèse ses mots avant de répondre, puis les laisse sortir avec un débit de mitraillette, comme si elle avait peur de ne pas avoir le temps d’en dire assez. Son travail a été mis en lumière depuis le procès de Mazan, où Dominique Pelicot est accusé d’avoir violé et fait violer son épouse, Gisèle Pelicot, droguée à son insu, par cinquante hommes. Début octobre, elle a collé sur ­plusieurs murs de la ville des ­portraits de plain-pied de Gisèle Pelicot, sac à l’épaule, lunettes de soleil sur le nez. Depuis, elle a œuvré à Bruxelles ou encore à Avignon le 2 décembre.

Cela fait plus de trois ans déjà que ses portraits, 22 à ce jour, en pied et grandeur nature, investissent l’espace public. Des portraits de femmes, exclusivement, victimes de violences conjugales, familiales, de viols, de harcèlement de rue ou de prostitution infantile. Toutes, jusque-là, anonymes. « Je les appelle “les gardiennes des rues”. Des femmes ordinaires, qui ont toutes été victimes de violences sexuelles ou sexistes. »

C’est lors d’une rencontre dans une soirée, en 2021, que l’idée germe. Une conversation entre femmes et une histoire terrible qui se révèle. « La blessure de celle qui se confiait à moi, des années après avoir subi des violences, restait intacte », se souvient l’ancienne étudiante des Beaux-Arts de Bourges, née en région parisienne et installée aujourd’hui dans la capitale du Nord. « Je lui ai proposé de poser pour moi et je lui ai dit : “Je vais te coller dans la rue.” Elle a accepté.

Des guerrières protectrices

Dans son atelier baigné de lumière à l’étage d’une maison ouvrière, le protocole artistique de La Dame qui colle s’est depuis précisé. « Je propose aux femmes que je vais dessiner de choisir des ­vêtements dans lesquels elles se sentent bien et fortes. Je les prends d’abord en photo» À partir de ces photos, elle les dessine. Imprimés en taille réelle, les portraits seront collés dans des endroits où les femmes hésitent à s’aventurer ; des ruelles sombres, des coins mal famés, des rues qu’elles évitent instinctivement. « Leurs portraits sont parfois dégradés. On leur arrache la tête, on déchire leurs yeux. C’est quand même étrange, non ? Elles doivent en gêner certains… », raconte l’artiste, ébahie par cette violence qui se déchaîne, même contre de simples images.

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