Derrière le charme de Boris Johnson, un héritage empoisonné pour le Royaume-Uni

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L’historien Anthony Seldon est un des observateurs les plus fins et respectés de la vie politique britannique. Auteur prolifique, il s’est spécialisé dans la chronique des mandats des premiers ministres du Royaume-Uni, de celui de Margaret Thatcher jusqu’à celui de Liz Truss, auquel il a consacré son dernier livre (Truss at 10, Atlantic Books, non traduit) publié fin août. Il planche désormais sur le mandat de Rishi Sunak, auquel l’échec massif des conservateurs lors des élections générales du 4 juillet a brutalement mis fin. Dans ses ouvrages, il raconte les faits et gestes des chefs de l’exécutif, mais juge aussi la qualité de leur passage au 10 Downing Street.

A l’heure où paraissent en France les Mémoires de Boris Johnson (Indomptable, Stock, 740 pages, 29,90 euros), un épais ouvrage plein d’anecdotes drôles et de portraits sarcastiques et alors que l’ex-dirigeant déploie tout son charme dans les médias hexagonaux (son inimitable dégaine, son très bon français ou ses traits d’humour), il est utile de rappeler le verdict qu’Anthony Seldon porte à l’endroit de l’ex-maire de Londres (2008-2016) – arrivé en 2019 à Downing Street, d’où il a été chassé par les scandales à l’été 2022 –, afin de ne pas perdre de vue l’héritage empoisonné qu’il a laissé à son pays. « Boris Johnson restera comme le pire premier ministre de l’histoire britannique contemporaine. Il fut un grand orateur, un optimiste, un remarquable storyteller, le problème, c’est que l’histoire qu’il racontait n’était pas crédible », assénait l’historien lundi 2 décembre, lors d’une conférence organisée par le groupe de réflexion libéral Bright Blue.

« Il n’a rien fait pour le pays, à part le Brexit. (…) Il disposait pourtant d’un moment en or quand ce dernier a eu lieu, mais il n’en a pas tiré parti. Il n’a pas fait de progrès sur la santé, l’environnement. Son idée de “levelling up” [nivellement par le haut des régions les plus défavorisées] était bonne, mais il ne l’a pas exécutée. Il n’y a que dans sa défense de l’Ukraine qu’il a été bon », ajoute Anthony Seldon. Dans un ouvrage très documenté (Johnson at 10, Atlantic Books, 2023), il étaye son sévère jugement, décrivant le manque de sérieux du dirigeant, son peu de respect pour les institutions du pays et le Brexit qui fut d’abord l’instrument de son ambition. « La décision de Boris Johnson de soutenir ou pas [la campagne] du “Remain” [le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE) lors du référendum de 2016] était surtout guidée par son calcul personnel », écrit l’historien.

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