vingt ans de réclusion criminelle requis contre Dominique Pelicot

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Gisèle Pelicot et son avocat à leur arrivée au tribunal d’Avignon pour les réquisitoires, le 25 novembre 2024.

Après onze semaines d’audiences, le parquet a requis lundi 25 novembre vingt ans de réclusion criminelle, la peine maximale, à l’encontre de Dominique Pelicot, pour avoir drogué, violé et fait violer son épouse pendant dix ans, des « agissements abjects ». Ce procès hors norme est entré lundi dans sa dernière ligne droite à Avignon. Hasard du calendrier, le début du réquisitoire, qui pourrait durer trois jours, débute à l’occasion de la Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. « Le réquisitoire en ce jour si particulier, c’est un symbole de plus », a assuré Antoine Camus, l’un des avocats des parties civiles, lundi matin.

Le procès des viols de Mazan, du nom du village où habitait le couple et où la grande majorité des évènements se sont déroulés, « vient bousculer notre société dans notre rapport à l’autre », a commenté en ouverture du réquisitoire le premier des deux représentants du ministère public, Jean-François Mayet. L’enjeu, selon lui, « n’est pas une condamnation ou un acquittement », mais « de changer fondamentalement les rapports entre hommes et femmes ». Gisèle Pelicot, 71 ans, a accédé au statut d’icône féministe après avoir refusé que le procès se déroule à huis clos, afin « que la honte change de camp ». « C’est beaucoup d’émotion », a-t-elle lâché en entrant dans la salle d’audience.

Devant les magistrats professionnels composant la cour et après l’introduction de M. Mayet, le relais a été pris par sa collègue, Laure Chabaud, pour évoqué le cas du « chef d’orchestre » de cette décennie de viols. Dominique Pelicot, dénominateur commun des 50 coaccusés recrutés sur Internet, à qui il avait livré sa désormais ex-épouse, préalablement sédatée aux anxiolytiques, à leur domicile conjugal de Mazan entre juillet 2011 et octobre 2020.

Dominique Pelicot n’a jamais caché sa responsabilité, se qualifiant lui-même de « violeur ». « Je suis coupable de ce que j’ai fait (…). J’ai tout gâché, j’ai tout perdu. Je dois payer », affirmait-il peu après le début du procès. Mais quelles peines le ministère public réclamera-t-il contre ses 50 coaccusés ? Car, même si la plupart sont poursuivis pour les mêmes faits, à savoir viols aggravés sur Gisèle Pelicot, et risquent donc aussi vingt ans de prison, l’individualisation des peines est obligatoire. Par exemple pour distinguer les récidivistes – dix hommes sont venus plusieurs fois – de ceux qui sont venus une seule fois à Mazan.

« Vingt ans pour chacun », réclament les collectifs féministes

Ces hommes, âgés de 26 à 74 ans, pouvaient-ils légitimement croire qu’ils participaient au scenario d’un couple libertin, où l’épouse ferait semblant de dormir ? Ont-ils été « manipulés » par Dominique Pelicot ? Ou leur discernement était-il altéré au moment des faits, comme l’ont encore suggéré les avocats de 33 d’entre eux mercredi ? Enfin, le parquet aura-t-il la main plus lourde envers les 35 accusés qui, à l’ouverture du procès, ont encore fermement nié avoir participé à un « viol », en dépit des vidéos accablantes filmées par Dominique Pelicot ? Pour les collectifs féministes qui ont apposé une banderole dimanche soir, sur les remparts en face du tribunal, la demande était très claire : « Vingt ans pour chacun », demandaient-ils.

Au planning officiel, le réquisitoire doit se dérouler sur trois jours. Mais selon les informations recueillies auprès des différentes parties par l’Agence France-Presse, il pourrait s’achever mercredi en fin de matinée. Après le cas Pelicot, l’accusation devrait avancer crescendo, avec d’abord les dossiers moins lourds, ceux de Joseph C., 69 ans, et Hugues M., 39 ans, respectivement accusés d’agression sexuelle et de tentative de viol, avant de s’atteler aux 48 autres (dont un est en fuite).

Couvert en quasi-mondovision, avec 138 médias accrédités, dont 57 étrangers, ce procès trouve un écho bien au-delà des frontières françaises. Comme en a encore témoigné jeudi la présidente de la Chambre des députés chilienne, Karol Cariola, saluant « le courage et la dignité » de Mme Pelicot, « une citoyenne ordinaire qui a donné une leçon au monde entier ». Et au cours de ce week-end, des dizaines de milliers de personnes – de nombreuses femmes, mais aussi des hommes – ont défilé dans toute la France pour réclamer un « sursaut » contre les violences faites aux femmes, beaucoup faisant référence à ce procès hors norme.

Après le réquisitoire, mercredi après-midi ou jeudi, au plus tard, la parole sera donnée aux avocats de la défense. L’avocate de Dominique Pelicot, Béatrice Zavarro, sera la première à s’exprimer. Puis ses confrères se succéderont, jusqu’au 13 décembre. Restera alors une semaine à la cour pour délibérer, pour un verdict attendu le 20 décembre au plus tard.

Le Monde avec AFP

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