L’économie de la drogue dans le Triangle d’or ravivée par la crise birmane

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Des  déplacés travaillant dans des champs de pavot illégaux pour gagner leur vie pendant les combats entre l’armée du Myanmar et la KNDF (Karenni Nationalities Defence Force) à Moe Bye dans le canton de Pekon, à la frontière de l’État Karen et du sud de l’État Shan. le 26 février 2024

L’instabilité en Birmanie depuis le coup d’Etat de février 2021 et l’expansion de la guerre civile ont favorisé une hausse de la production d’opium, mais aussi de drogues synthétiques : la Birmanie est au cœur d’un nouveau boom de la criminalité dans le Triangle d’or, cette région contiguë entre Birmanie, Laos et Thaïlande traversée par le fleuve Mékong sur près de 100 kilomètres.

Le Covid, puis le coup d’Etat de 2021, tous deux générateurs d’une plus grande incertitude pour les paysans, et enfin, en Afghanistan, l’interdiction stricte par les talibans de la culture du pavot en avril 2022 ont contribué au retour de la Birmanie sur le devant de la scène en matière de production de drogue : le pays est redevenu le premier producteur d’opium en 2022, alors que s’inversait pour la deuxième année d’affilée la tendance à la baisse enregistrée depuis 2013. Celle-ci avait été favorisée par la démocratisation du pays et un boom économique nourri par l’afflux d’investissements étrangers.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – Les narcotrafiquants : leurs réseaux, leurs crimes, la riposte », novembre-décembre 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

En 2023, les surfaces cultivées ­estimées ont encore augmenté de 18 % en comparaison de 2022, selon le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) de décembre 2023. La production d’opium sec, elle, est estimée à 1 080 tonnes, soit 36 % de plus qu’en 2022 – et à 20 tonnes à peine du record historique de l’année 2001 (1 100 tonnes). La valeur brute de l’ensemble de l’économie des opiacés – comprenant à la fois la valeur de la consommation intérieure et des exportations d’opium et d’héroïne – en Birmanie en 2023 est estimée dans ce rapport à entre 1 et 2,5 milliards de dollars, soit environ 2 % à 4 % du PIB national en 2022. Les experts de l’ONUDC, basés à Bangkok, utilisent des images satellites ainsi que des inspections sur place pour parvenir à ces estimations.

De nombreux laboratoires clandestins

La majeure partie de la production d’opium, 88 %, se concentre dans l’Etat Shan, le plus grand et le plus peuplé, avec près de six millions d’habitants, des sept Etats birmans qui forment la couronne multiethnique du pays. C’est de là aussi que provient la majeure partie des drogues synthétiques d’Asie du Sud-Est, qui irriguent à leur tour toute l’Asie : les saisies de drogue, seule manière de mesurer l’étendue de cette production dispersée dans des laboratoires, ont atteint un record en 2023 ; 169 tonnes de méthamphétamine ont ainsi été saisies en Asie du Sud-Est en 2023, et les trois quarts en Birmanie, Thaïlande et Laos, sur un total de 190 tonnes découvertes en Asie. L’Etat Shan « demeure l’épicentre de la production de méthamphétamine » pour l’Asie, affirme l’ONUDC, notant que « les ­autorités birmanes n’y ont pourtant pas identifié d’installations importantes de fabrication de méthamphétamine depuis avril 2020 ».

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