L’Afrique très loin des priorités de Donald Trump

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Le président américain, Donald Trump, et son homologue nigérian, Muhammadu Buhari, lors d’une conférence de presse commune à la Maison Blanche, le 30 avril 2018, à Washington.

En juillet 2015, Barack Obama s’était rendu en Ethiopie et au Kenya pour son dernier déplacement officiel sur le continent africain. Le Kenya étant le pays d’origine de son père, la portée de ce voyage était symbolique. Elle l’est encore plus aujourd’hui. Depuis neuf ans, aucun président américain n’a foulé le sol africain.

Cette absence pourrait être prolongée si Joe Biden n’effectue pas la visite en Angola qu’il a reportée en octobre. Donald Trump, réélu pour un deuxième mandat à la Maison Blanche mercredi 6 novembre, n’a jamais montré d’intérêt pour le continent africain. Il ne s’y est jamais rendu au cours de son premier mandat, entre 2017 et 2021, et lors d’une réunion dans le bureau Ovale en janvier 2018, le président américain avait affiché son mépris à l’égard des Etats africains et d’Haïti en les traitant de « pays de merde ». Sa seule action diplomatique marquante aura été, en décembre 2020, la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en contrepartie de l’ouverture par Rabat de relations diplomatiques avec Israël.

« Pas de politique concrète »

« L’Afrique n’a jamais intéressé Donald Trump et, à ma connaissance, le terme n’a même pas été prononcé pendant sa campagne présidentielle », souligne Jeff Hawkins, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Centrafrique et chercheur au sein de l’Institut de recherches nationales et stratégiques (IRIS). « La politique intérieure américaine fut le thème majeur, ajoute Mamadou Diouf, historien et professeur à l’université Columbia de New York. L’Afrique ne fait pas vraiment partie de la politique étrangère qui est davantage tournée vers le Moyen-Orient, l’Ukraine ou la relation avec la Chine. » A Washington, le promoteur du MAGA (« Make America Great Again ») n’avait reçu en quatre années que deux chefs d’Etat africains : Muhammadu Buhari (Nigeria) et Uhuru Kenyatta (Kenya).

Les déplacements outre-Atlantique de son premier cercle furent également rares pendant son premier mandat. Mike Pompeo, son secrétaire d’Etat entre 2018 et 2021, s’est déplacé une fois au Sénégal et en Ethiopie. Quant à son épouse Melania, elle a effectué une « visite diplomatique et humanitaire » au Kenya, casque colonial sur la tête et scandale en prime.

La première dame américaine, Melania Trump, lors d’un safari au parc national de Nairobi, au Kenya, le 5 octobre 2018.

Donald Trump n’a par ailleurs jamais déployé de politique africaine proprement dite. En 2018, la « stratégie » des Etats-Unis fut présentée par John Bolton, conseiller à la sécurité nationale, lors d’un discours à la Heritage Foundation, un groupe de réflexion conservateur. « Il voyait l’Afrique comme un champ de bataille économique face aux intérêts russes et chinois, mais il n’y avait pas de politique concrète, se souvient Jeff Hawkins. Le discours était l’Amérique d’abord, avec des menaces à peine voilées contre les pays africains qui ne voteraient pas en faveur des Etats-Unis lors des sommets internationaux. »

Donald Trump aurait souhaité un désengagement de l’aide américaine, mais la résistance du Congrès a permis de maintenir les principales initiatives et les budgets alloués. L’agence américaine pour le développement international (USAID), grâce notamment au Prosper Africa, un plan destiné à promouvoir le commerce et les investissements en Afrique afin de contrer l’expansion économique de la Chine, est restée le premier donateur mondial sur le continent. Jusqu’en 2021, le montant de ses aides s’élevait à environ 7 milliards de dollars par an.

Mais la donne pourrait changer. De l’Egypte à l’Ethiopie, en passant par le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, de nombreux présidents africains ont salué « la victoire » du candidat républicain et espéré, comme Bola Tinubu au Nigeria, pouvoir « coopérer davantage sur le plan économique » avec les Etats-Unis. Qu’en sera-t-il réellement ? En plus du Sénat, les républicains pourraient obtenir la majorité absolue à la Chambre des représentants, donnant ainsi aux MAGA tous les leviers du pouvoir.

« Des personnes imprégnées de son idéologie vont désormais occuper tous les niveaux hiérarchiques, surtout dans les ambassades, prévient Jeff Hawkins. Si les programmes de Prosper Africa ont pu se maintenir au cours du premier mandat, c’est parce qu’ils n’impliquaient pas la Maison Blanche. Les MAGA ont compris qu’il fallait changer massivement la bureaucratie pour avoir un impact sur la société. »

Restriction de visas

Des milliers d’Africains ont déjà subi le protectionnisme exacerbé de Donald Trump. Pour des « raisons sécuritaires », son administration avait interrompu ou restreint la délivrance de visas pour les ressortissants de Libye, de Somalie ou du Soudan (dès 2017), du Ghana (en 2019), puis du Tchad ou du Nigeria (à partir de 2020). L’arrivée des étudiants d’origine africaine vers les universités américaines avait été quasiment divisée par deux sous l’ère Trump.

« Il va tenter de couper les fonds alloués à certaines associations et ONG africaines, explique Charles Petrie, haut fonctionnaire des Nations unies ayant travaillé au Soudan, en Somalie et en République démocratique du Congo. Cela aura des conséquences sur de nombreux secteurs comme la protection de l’environnement, un sujet qui ne l’intéresse pas. Les aides pour la défense du climat risquent d’être réorientées vers d’autres causes comme le soutien aux évangélistes ou contre les associations anti-IVG du continent. »

Mais l’approche idéologique du nouveau président américain pourrait aussi convenir à de nombreux dirigeants africains irrités par la promotion des droits des personnes LGBTQ+ souvent abordée par les Occidentaux. « Des pays comme l’Ouganda [où une loi votée en 2023 réprime très sévèrement l’homosexualité] avaient autrefois mauvaise réputation, souligne Mamadou Diouf. Avec Trump, leurs dirigeants pourraient maintenant être décorés. »

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Sur le plan militaire, Donald Trump pourrait maintenir son soutien au commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom), créé en 2007 pour coordonner les activités sécuritaires sur le continent et soutenir la lutte contre les groupes djihadistes. « Il ne s’y est jamais opposé, mais il fut question lors de son premier mandat d’une réduction des effectifs au Niger, rappelle Jeff Hawkins. La fermeture de la base située près de Niamey avait été évoquée, mais les Nigériens l’ont finalement fait eux-mêmes. » Son désintérêt assumé pour le continent pourrait également laisser le champ libre aux groupes paramilitaires russes, comme Wagner et Afrika Corps.

Avant de renoncer à la candidature suprême, Joe Biden avait choisi de se rendre en Angola à la fin de l’année pour son premier déplacement sur le continent africain. Au cours de son mandat, Kamala Harris, en tant que vice-présidente, et Anthony Blinken, secrétaire d’Etat, avaient effectué plusieurs visites, comme en janvier 2024 (Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Nigeria et Angola) afin de « mettre l’accent sur le respect de la démocratie », selon Anthony Blinken. « La nature des régimes, qu’ils soient dictatoriaux ou non, comptera beaucoup moins pour Trump que pour ses prédécesseurs, conclut Jeff Hawkins. Les administrations de Biden et Obama tentaient de parler du respect des droits de l’homme avec les dirigeants africains. Trump ne soutiendra jamais une telle démarche. »

Dans « Projet 2025 », un document de 900 pages édité par Heritage Foundation et destiné à servir de programme au nouveau président, la seule référence à l’Afrique est la reconnaissance du Somaliland, une République autoproclamée de Somalie.

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