Lorsque le sénateur John F. Kennedy a déclaré, en 1958, que les Etats-Unis étaient une nation d’immigrants, c’était paradoxalement après des décennies de restriction qui avaient vu la part des habitants nés à l’étranger, les immigrés donc, décliner, pour atteindre un plus-bas historique en 1970, à 4,7 % de la population.
Ce discours accueillant a trouvé sa traduction législative dans la loi de 1965 qui a mis fin aux quotas discriminatoires et à l’interdiction des immigrations asiatiques et africaines. La proportion d’immigrés a remonté au point d’approcher ses records du début du XXe siècle (14,8 % en 1910, 14,3 % en 2023), et on peut se demander si le pic actuel ne débouchera pas sur une restriction d’ampleur similaire aux lois qui ont instauré des quotas en 1921 et 1924.
Depuis la fin du XXe siècle, les candidats des deux grands partis ont promis à la fois de limiter les entrées irrégulières et de régulariser une partie de ceux qui sont présents depuis longtemps, c’est-à-dire de réguler les flux d’immigration.
Vieille angoisse eugéniste
Donald Trump et ses alliés proposent une rupture majeure avec cette politique en ajoutant à une restriction drastique des entrées, des rafles et expulsions massives, inédites aux Etats-Unis, et des mesures qui affecteraient les immigrés déjà présents. Il promet d’expulser, s’il est élu, des millions d’immigrés irréguliers et de rendre expulsables des immigrés légaux, et même des citoyens américains qui seraient dénaturalisés, comme les enfants nés aux Etats-Unis de parents sans visa.
La candidate démocrate, Kamala Harris, s’est tardivement ralliée à des positions de fermeté sur les flux, le contrôle des frontières et le sujet des demandeurs d’asile à la frontière sud. Les démocrates restent partisans d’ouvrir des voies de régularisation aux immigrés irréguliers présents de longue date. L’immigration n’a pas toujours été une question aussi clivante, le républicain Ronald Reagan avait procédé à une régularisation en 1986.
A côté des considérations économiques, sociales ou sécuritaires particulièrement sensibles dans les régions frontalières, les conservateurs réactivent une vieille angoisse eugéniste sur le futur de la population, celle qui, il y a exactement cent ans, a inspiré les quotas pour protéger le peuple américain des indésirables et inassimilables. Comme en 1924, une population blanche vieillissante craint que les minorités ne deviennent la majorité.
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