Ikea, qui avait fait travailler des prisonniers de la Stasi avant la chute du mur de Berlin, va indemniser les victimes de la RDA

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Un magasin de meubles Ikea à Kamen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), dans l’ouest de l’Allemagne, le 20 avril 2020.

La promesse avait été faite en 2012. Elle serait enfin sur le point d’être honorée. Mardi 29 octobre, Ikea a annoncé le versement de 70 millions de couronnes (6 millions d’euros) au fonds national d’aide aux victimes de la République démocratique allemande (RDA), qui devrait voir le jour dans les prochaines semaines à Berlin. Par ce geste, le géant suédois de l’ameublement reconnaît sa responsabilité dans le recours à la main-d’œuvre forcée de prisonniers politiques, dans les usines de ses fournisseurs est-allemands, pendant les années 1970 et 1980.

Le scandale avait éclaté en mai 2012, après la diffusion d’une émission d’enquête, sur la chaîne suédoise SVT. Se basant sur 800 documents tirés des archives de la Stasi (la police politique de l’ex-RDA), le documentaire révélait que le groupe, fondé en 1943 par Ingvar Kamprad, s’était fourni chez tous les gros fabricants de meubles est-allemands, à une époque où ceux-ci faisaient travailler des détenus dans leurs usines. Mais également que la direction d’Ikea était au courant.

Un premier débat avait eu lieu en Allemagne et en Suède en 1984, après qu’un des magasins de l’enseigne à Wallau, en République fédérale d’Allemagne (RFA), avait été visé par un incendie criminel, probablement provoqué pour protester contre le travail forcé des prisonniers politiques de RDA. Dans une interview au journal Aftonbladet, M. Kamprad assurait, alors, qu’un seul de ses fournisseurs y avait eu recours et qu’Ikea avait « immédiatement rompu le contrat », après en avoir été informée.

Sauf que l’émission d’enquête de SVT avait pu démontrer qu’en 1986 le canapé Klippan – un meuble iconique de la marque, toujours en vente – était encore fabriqué par des prisonniers du centre pénitentiaire de Waldheim. Plusieurs anciens détenus témoignaient. Parmi eux, le politologue allemand Wolfgang Welsch : incarcéré à la maison d’arrêt de Brandebourg, après une tentative échouée de fuite vers la RFA, il racontait le travail en trois-huit, la violence des gardes, ainsi que les papiers de livraison des meubles, rédigés en suédois.

« Approche responsable »

Ikea avait commencé par nier les faits, avant de demander au cabinet de conseil Ernst & Young de mener une enquête. Publiées en novembre 2012, ses conclusions confirmaient que des fournisseurs du géant suédois avaient bien eu recours à « des prisonniers politiques et de droit commun » et que « des représentants du groupe Ikea [en] étaient conscients à l’époque ». Le groupe s’était alors engagé à verser des réparations aux travailleurs forcés.

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