« Aucun prédateur ne peut prospérer sans un terreau fertile »

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Qui savait quoi ? Qui ment ? Qui croire ? Comment mesurer la responsabilité de TF1 dans les crimes ou agressions sexuelles dont quarante-six femmes accusent Patrick Poivre d’Arvor ? A ce jour, la seule réaction officielle de la chaîne tient en vingt secondes, il y a près de trois ans [la déclaration de TF1 a été lue à l’antenne de l’émission « 7 à 8 », en décembre 2021] : « Nous avons pris connaissance de ces témoignages avec une vive émotion. Nous mesurons le courage qu’il faut à ces femmes pour témoigner et nous sommes très sensibles à leur souffrance. » Et puis un long silence gêné.

Rien n’a été à la hauteur de la gravité et de l’ampleur de l’affaire. La révélation de la plainte pour viol de Caroline Merlet en 2005 comble l’abîme de doutes dans lequel s’enfoncent la plupart des scandales de violence masculine et ouvre une série de nouvelles interrogations.

Aucun prédateur ne peut prospérer sans un terreau fertile. Pour croître et se maintenir des dizaines d’années, l’impunité a besoin d’un environnement nourrissant. Pour rester vivace après le témoignage de dizaines de femmes, elle doit s’abriter derrière un tissu de protections qui l’empêchent de brûler sous un éclairage trop vif. La prédation n’aime pas la lumière.

En 2005, la police judiciaire est allée, en pleine journée, dans le bureau du présentateur dans le cadre d’une enquête criminelle. L’hypothèse d’un transport en catimini au siège ultrasurveillé de la chaîne la plus puissante d’Europe est invraisemblable. La direction de TF1 a caché l’information.

Et les questions se retournent. Qu’aurais-je fait, il y a dix-neuf ans, si j’avais su ? J’étais encore salariée du groupe. Est-ce que j’aurais témoigné comme je l’ai fait en 2021 [et déposé une plainte, classée sans suite] ? Combien des quarante-six femmes qui ont aujourd’hui parlé à la justice l’auraient fait ? Combien de femmes auraient été épargnées ?

Volonté de nous humilier

Depuis la plainte de Florence Porcel, la vedette a eu une demi-heure d’antenne ouverte sur « Quotidien », l’émission de TMC, filiale du groupe TF1, pour dire que personne ne s’était jamais plaint de son comportement. Quand j’ai vu, en 2021, les patrons de TF1, ils ont juré, la main sur le cœur, qu’ils ne savaient rien. « C’est un loup solitaire ! » m’a crié au téléphone une éminente conseillère de la direction, direction qui a refusé d’ouvrir une enquête interne. Que faut-il comprendre de ce refus aujourd’hui ?

La version de Patrick Poivre d’Arvor victime d’amoureuses éconduites, c’est-à-dire de folles mythomanes, de starfuckeuses vénales ou de militantes féroces, a été transformée en « Il aimait les femmes jusqu’à l’excès » ou en « Un séducteur [qui n’est] ni dans la violence ni dans la force », pour reprendre quelques-unes des déclarations publiques de grands noms de la maison.

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