Régulièrement, depuis 2020, Olivier Majewicz (divers gauche), le maire d’Oye-Plage (Pas-de-Calais), petite commune du littoral nordiste, est confronté à des embarquements de migrants, et à des retours de naufragés. Quand la météo s’y prête, ces derniers mois, pas une semaine ne passe sans retrouver des traces de départs (affaires abandonnées, etc.) dans les dunes. « A chaque fois qu’il y a des victimes, nous, les maires, sommes appelés par les secours », lâche-t-il, précisant avoir la hantise de « se retrouver un jour face à un cadavre ou un sac mortuaire. Personne n’est préparé à cela. »
Il n’était pas préparé non plus, mais il y a bien fallu s’y faire, à accueillir dans une salle communale des naufragés ramenés à terre. « Ils sont trempés, souvent en état de choc, désespérés d’avoir échoué », raconte l’élu, qui a appris à « gérer la situation comme on peut » : « On a des vêtements secs, des couvertures de survie, de quoi fournir des boissons chaudes et à manger. On ne peut pas rester les bras ballants. »
Comme d’autres maires du Pas-de-Calais, M. Majewicz assure que les départs empêchés provoquent désormais chez les migrants « régulièrement des réactions de colère et, parfois, des scènes de violence contre les forces de l’ordre ». A une petite quarantaine de kilomètres d’Oye-Plage, Antoine Benoit, le maire (sans étiquette) d’Audresselles, dresse le même constat : « Les migrants en veulent aux forces de l’ordre d’empêcher les départs, même si ça sauve des vies. »
« Combien de morts faudra-t-il ? »
Tant que les regroupements d’exilés et les tentatives de passages en Angleterre se cantonnaient au port de Calais (Pas-de-Calais) et aux abords du tunnel sous la Manche, les élus des petites communes du littoral n’étaient pas directement confrontés à la triste réalité. Avec les traversées par bateaux, ils sont maintenant en première ligne et ne savent pas quoi faire. « Pas plus tard qu’avant-hier, des policiers se sont retrouvés dans une embuscade tendue par des migrants sur ma commune, assure Guy Allemand, le maire (sans étiquette) de Sangatte. Avant ils étaient plutôt invisibles. Désormais, ils arrivent à 70, 80, 150. Ils traversent les prairies, le village, piétinent les champs pour essayer d’embarquer. »
Plusieurs fois, il a dû ouvrir une salle pour recueillir ceux qui avaient dû faire demi-tour : « J’ai même ouvert ma mairie pour une quarantaine de personnes une nuit de décembre. Une douzaine d’enfants hagards étaient assis dans l’escalier. C’était terrible. »
Ces trois élus, comme une dizaine d’autres, ont répondu à l’appel de Natacha Bouchart, la maire (divers droite) de Calais qui a lancé l’idée d’un collectif pour interpeller l’Etat face au sentiment d’abandon que tous dénoncent. Une première réunion s’est tenue le 8 octobre, une autre est prévue le 8 novembre. « Combien de morts en mer faudra-t-il pour que le gouvernement intervienne ? », demande Mme Bouchart, qui dit n’avoir reçu aucune réponse à ses courriers adressés « au premier ministre, à celui de l’intérieur, à l’Elysée. Pareil avec le précédent gouvernement ».
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