LETTRE DE MADRID
« 1492. Ni génocidaires, ni esclavagistes. Ils furent des héros et des saints. » Ce texte accompagne l’image du conquistador Pedro Menendez d’Avila, gouverneur de la Floride espagnole au XVIe siècle, et figure sur d’immenses panneaux publicitaires apparus dans le métro et dans les rues de Madrid, quelques jours avant le 12 octobre, date de la fête nationale.
Cette surprenante campagne de communication est signée par l’Association catholique des propagandistes, notamment propriétaire de l’Université privée CEU San Pablo. Le QR code qui l’accompagne mène à une vidéo qui, sous la forme d’un faux quiz télévisé, vante la « culture », le « métissage » et « l’évangélisation » apportés par les Espagnols en Amérique et « démonte » la « légende noire » espagnole.
Chaque année, la fête nationale, également appelée « Hispanidad », qui célèbre la « découverte » de l’Amérique par Cristophe Colomb le 12 octobre 1492, s’accompagne des mêmes controverses et débats. Les uns considèrent que ce jour « de honte » commémore un « génocide » et « cinq siècles de pillage, d’esclavage et de colonisation », comme le résume le parti de la gauche radicale Podemos. D’autres estiment qu’il renvoie à « la grandeur de l’Espagne » et son rôle essentiel dans « la propagation de la civilisation occidentale » et « l’histoire de l’humanité », ainsi que l’affirme le parti d’extrême droite, Vox. Entre les deux, la version officielle – depuis qu’en 1987, l’Espagne en fait sa fête nationale – veut que le 12 octobre célèbre « la rencontre de deux mondes », une « histoire collective » et la « fraternité » entre leurs peuples.
« Inexplicable »
Cette année, la controverse a pris une ampleur internationale. La nouvelle présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a exclu le roi d’Espagne, Felipe VI, de la liste des invités à sa cérémonie d’investiture, le 1er octobre, exigeant d’abord des excuses pour les crimes commis durant la Conquista. Elle a repris une demande de l’ancien président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador. En mars 2019, il avait envoyé une lettre au roi lui demandant de présenter des excuses « publiques et officielles » pour « les préjudices causés » par les conquistadors espagnols aux communautés indigènes du Mexique.
Felipe VI ne lui avait pas répondu et le ministre des affaires étrangères de l’époque, Josep Borrell, avait ironisé sur la possibilité pour l’Espagne d’exiger des excuses à la France pour les invasions napoléoniennes et pour Paris d’en demander à l’Italie pour la conquête de la Gaule par Jules César.
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