L’interdiction du port du voile passe mal dans certains clubs sportifs

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Lors d’un événement organisé par le collectif militant Les Hijabeuses au stade Salvador-Allende, à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), le 29 juin 2024.

La quinzaine de joueuses s’est déployée sur le terrain synthétique du stade du Landy. En ce doux début de soirée de mi-octobre, l’équipe des cadettes du Saint-Denis Rugby 93 (Seine-Saint-Denis) est venue s’entraîner pour améliorer son jeu de ballon lent, après sa victoire la veille en championnat régional. Certaines portent un pantalon de jogging, d’autres sont en collants, beaucoup ont la tête couverte d’un hidjab sportif ou un simple foulard noué au niveau de la nuque. L’entraîneur Emmanuelly Mbokanga n’y voit aucune contre-indication : « On a beaucoup travaillé pour faire la promotion du rugby féminin dans les écoles, centres aérés et maisons de quartier et cela fait trois saisons qu’on a une équipe au complet. On en est plutôt fiers. »

Le foulard, que la plupart des joueuses portent, est pourtant devenu un enjeu pour les instances fédérales. Depuis la mi-juillet, la Fédération française de rugby (FFR) a ajouté un article à son règlement, qui interdit de « porter tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Cette disposition, encore peu connue des clubs, suit un mouvement général opéré par les fédérations sportives françaises. « Personnellement, je ne suis pas gêné par le port du voile dans nos équipes, mais nous avons reçu des injonctions du ministère et eu quelques remontées de situations conflictuelles avec des arbitres. Le flou n’était pas bon », justifie Sylvain Deroeux, secrétaire général de la FFR.

La loi du 24 août 2021 avait précisé que les agents et assimilés des services publics, y compris lorsqu’ils sont gérés par une personne privée, doivent s’abstenir, dans l’exercice de leurs fonctions, de toute manifestation de leurs convictions et opinions. Ce principe de neutralité ne s’applique pas aux usagers. Depuis le magistère de Roxana Maracineanu et Jean-Michel Blanquer, le ministère des sports défend cependant avec constance que joueuses et joueurs doivent aussi s’y astreindre.

« Pratiques discriminatoires », pour Amnesty International

Cela a conduit l’ONG Amnesty International à consacrer à ce sujet un rapport, intitulé « Les atteintes aux droits humains des femmes et des filles musulmanes causées par l’interdiction du foulard dans le sport français ». Publié le 16 juillet, à l’orée des Jeux olympiques, le texte dénonce des « pratiques discriminatoires aux effets dévastateurs » et souligne que la France est « le seul pays d’Europe à interdire le port de couvre-chefs religieux dans le sport ».

La ligne n’a pas changé avec le gouvernement de Michel Barnier. « Nous affirmerons autant qu’il le faudra le principe de laïcité partout où cela sera nécessaire. Chaque club est un lieu sûr, protecteur. Le prosélytisme n’a pas sa place », a déclaré le nouveau ministre des sports, Gil Avérous, le 23 septembre. Au sein de son cabinet, on précise qu’il appartient à chaque fédération « d’apprécier si l’interdiction est nécessaire et d’en fixer le cadre précis ». Dans la pratique, les approches diffèrent d’un sport à l’autre et le débat sur la neutralité des terrains ne cesse de rebondir.

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