Avec l’absence d’un ministère consacré, la politique de la ville risque de voir disparaître son volet social

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Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine, à Paris, le 23 septembre 2024.

Ni un oubli ni une maladresse. Pour les acteurs de terrain, le message est limpide. En ne comptant ni ministre ni secrétaire d’Etat chargé de la Ville, le gouvernement de Michel Barnier envoie un signal fort. En matière de politiques publiques, les quartiers populaires et leurs 5,4 millions d’habitants se résument principalement à une histoire de bâti. En témoigne l’intitulé de la fonction de Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine, qui hérite du portefeuille de la ville en vertu d’un décret d’attribution publié le 10 octobre, soit trois semaines après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement.

En témoignent, aussi, les choix budgétaires dont la nouvelle ministre hérite et qu’elle doit assumer. Ainsi, le montant de l’enveloppe attribuée à la politique de la ville – le programme 147 – devrait, cette année, être raboté de 90 millions d’euros, soit une baisse de 14 %, et passant ainsi de 639,5 millions d’euros à 549,5 millions d’euros. Sans compter les coupes dans les budgets de droit commun, comme celui de l’éducation nationale, « dont les communes populaires, en grande souffrance, vont sentir à coup sûr plus durement les effets », s’inquiète Gilles Leproust, maire (Parti communiste) d’Allonnes (Sarthe) et président de l’Association des maires Ville et banlieue.

Dans le même temps, les fonds attribués à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine devraient faire l’objet d’un amendement et être augmentés lors des prochains débats parlementaires. « On revient à un concept porté par la droite qui consiste à penser les enjeux liés aux quartiers populaires uniquement sous les angles urbanistique et sécuritaire, et à balayer le volet social de cette politique, commente le sociologue Thomas Kirszbaum, chercheur associé au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales, à Lille. Sauf qu’avec plus de vingt ans de recul, on sait aujourd’hui que cela ne suffit pas. A l’évidence, l’absence de ministère de la ville répond à une revendication de la droite et de l’extrême droite, qui pensent qu’on en a trop fait pour les quartiers en laissant croire que l’Etat y a déversé des milliards, ce qui est totalement faux ! »

Politique de « désengagement progressif »

Nombre d’élus et d’associatifs, œuvrant dans les communes populaires, y voient une volonté du gouvernement de reléguer ces territoires en difficulté au dernier rang de ses priorités. Ils dénoncent, aussi, une « concurrence malsaine » avec le monde rural, qui dispose d’une ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat. « Mais ils ne réussiront pas à nous diviser, je suis très heureux pour eux », souligne Damien Allouch, maire (Parti socialiste) d’Epinay-sous-Sénart (Essonne). Et d’ajouter : « Le fait que le mot “ville” ne soit pas mentionné dans le titre de la ministre est une humiliation, c’est la négation de nos problématiques singulières, la négation de tout le travail que nous avons mené ces dernières annéesLà, les choses sont claires, le gouvernement ne fait même plus semblant de s’intéresser au sujet. »

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