En Europe, les tabous tombent un à un sur la question migratoire. Alors que les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (UE) se réunissent, jeudi 17 et vendredi 18 octobre, à Bruxelles, pour leur conseil de rentrée, ce sujet controversé sera de toutes les conversations. Afin de nourrir la discussion, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, leur a adressé une longue missive, leur promettant, en complément du pacte sur la migration et l’asile adopté au printemps et que certains pays comme l’Espagne veulent appliquer dès 2025, une nouvelle législation européenne pour faciliter les expulsions. Aujourd’hui, les retours sont l’un des points faibles du dispositif européen, avec moins de 20 % des déboutés du droit d’asile qui retournent dans leur pays d’origine.
Alors que les entrées irrégulières ont baissé de 42 % sur les neuf premiers mois de 2024, avec 166 000 passages enregistrés par l’agence Frontex, la cheffe de l’exécutif européen veut aller bien plus loin. Elle propose d’explorer des « solutions innovantes » pour lutter contre l’immigration clandestine, qu’il s’agisse d’externaliser les procédures d’asile hors d’Europe, comme le fait l’Italie en Albanie, de faciliter les expulsions vers des pays tiers ou de créer des « centres de retour » hors d’Europe dans le cadre de la nouvelle loi sur les expulsions. Après les accords migratoires européens avec la Tunisie, l’Egypte et le Liban, elle propose également de lancer des négociations avec le Sénégal, voire le Mali.
Si certains Etats membres, à l’image du Danemark, de l’Autriche et de l’Italie, faisaient campagne, ces derniers mois, pour imposer ces « solutions innovantes » dans l’agenda politique européen, Bruxelles n’avait jusqu’ici pas envisagé de les reprendre totalement à son compte. Mais la donne politique a changé et plusieurs digues ont sauté. « Même le Luxembourg, très sceptique concernant les solutions innovantes, ne s’y oppose plus », s’étonnait récemment un diplomate européen.
Equilibres politiques modifiés
Deux ans après l’accession au pouvoir de l’Italienne postfasciste Giorgia Meloni, qui a fait de la lutte contre l’immigration sa priorité, la droite conservatrice et l’extrême droite ont prospéré tant aux élections nationales qu’aux européennes de juin, modifiant les équilibres politiques à Bruxelles.
Le Parlement européen penche plus à droite, avec un Parti populaire européen (le groupe conservateur) qui est capable non seulement de créer une majorité avec les forces traditionnelles, libérales et socialistes, mais également, et c’est la nouveauté, avec les groupes d’extrême droite, en mesure désormais de promouvoir leur agenda anti-immigration. Dans le même temps, le Conseil réunit de plus en plus d’Etats gouvernés par des coalitions intégrant l’extrême droite ou étant soutenues par ses forces, comme aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande et peut-être, bientôt, en Autriche.
Il vous reste 61.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.