Une savoureuse taxonomie des pâtes farcies italiennes

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Qu’est-ce qui rapproche les pâtes italiennes et les lépidoptères ? Les farfalles, me direz-vous, farfalle désignant, en italien, aussi bien les papillons que les pâtes sèches qui leur ressemblent. C’est pourtant une autre grande famille de recettes de la cuisine italienne qui a récemment réuni des spécialistes de l’évolution des lépidoptères, des sciences des aliments et de l’histoire de la gastronomie : les pâtes farcies. L’article issu de leurs travaux, paru le 12 juillet dans la revue Discover Food, propose une nouvelle classification des variétés italiennes de ces pâtes, situe leur implantation probable en Italie du Nord et retrace les liens de parenté et divergences locales ayant conduit à la diversité des recettes actuelles.

L’originalité de cette étude repose sur sa démarche méthodologique, héritée de la biologie évolutive, consistant à appliquer des approches phylogénétique et biogéographique aux évolutions culturelles. Les chercheurs postulent que l’évolution des recettes traditionnelles a procédé, comme chez les espèces vivantes, par petites modifications successives (analogues aux mutations génétiques), puis sélection, disparition des formes intermédiaires et enfin fixation des spécialités culinaires typiques d’une localité, ce qui s’apparente à une spéciation.

Deux grandes familles

Leur classification des pâtes farcies se distingue de tentatives précédentes, fondées sur des critères purement morphologiques : certaines similitudes d’apparence brouillaient les liens de parenté entre recettes, de la même manière que les anciennes classifications naturalistes étaient biaisées par les convergences évolutives. Pour autant, faute de « gènes de recettes », la taxonomie des pâtes ne peut pas être guidée par les principes de la phylogénie moléculaire, reposant sur des divergences entre séquences d’ADN. D’autres critères de classification ont donc été sélectionnés : la méthode de pliage de la pâte et la forme obtenue, les principaux ingrédients, le type de cuisson, l’accompagnement par une sauce ou un bouillon, l’emploi d’huile d’olive ou de beurre, ainsi que le caractère de spécialité régionale, ce qui correspondrait pour une espèce à l’aire de répartition.

La nouvelle taxonomie met en évidence deux grandes familles de pâtes farcies italiennes : les unes apparentées aux raviolis, reconnaissables à leur forme aplatie, les autres affiliées aux tortellinis, qui se distinguent par un repliement en trois dimensions. L’ensemble forme un embranchement dans l’arbre plus vaste des recettes de pâtes farcies d’Europe et d’Asie, qui comprend aussi bien les gyozas japonais que les pelmenis russes et les wontons chinois. A l’exception des culurgiones de Sardaigne, les pâtes farcies italiennes seraient issues d’une première implantation en Italie du Nord, jouant le rôle d’événement fondateur, avant leur diversification.

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