La question embarrasse au plus haut point dans les universités et les grandes écoles : alors qu’Israël mène une guerre sans répit à Gaza et ouvre un nouveau front au Liban, est-il légitime de maintenir des partenariats académiques avec ses établissements d’enseignement supérieur ? Et dans quelle mesure cette coopération scientifique ne vient-elle pas nourrir une recherche trouvant une application militaire ?
Les étudiants mobilisés dans les dizaines de « comités Palestine » qui se sont montés depuis le printemps dans des établissements d’enseignement supérieur appellent à un boycott et à la mise en place de commissions d’étude, qui passeraient au crible les coopérations engagées en Israël, qu’elles soient d’ordre économique ou académique.
« Qui a fait l’effort de poser ces éléments ? A ma connaissance, personne, c’est un échec grave de l’institution universitaire française », regrette Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po, qui s’étonne de « l’absence d’impulsion d’une réflexion par la ministre de l’enseignement supérieur afin de se donner le recul nécessaire ».
« Complexes militaires intégrés au sein des campus »
Lorsqu’on les interroge, les directions d’établissement esquivent ou restent évasives sur les suites qu’elles donnent aux coopérations en cours. « Les universités étant autonomes, il n’y a pas de règle générale. Chaque établissement est libre de convenir de ses partenariats », précise laconiquement France Universités, l’association qui les fédère.
Les choses avaient été bien différentes vis-à-vis de la Russie, après l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022. « Un embargo scientifique quasi mondial, historique par son ampleur, s’est abattu sur la Russie de Vladimir Poutine », notait Stéphanie Balme, directrice du centre de recherches internationales de Sciences Po, dans un article d’avril 2022 consacré à la « diplomatie scientifique à l’épreuve de la guerre ». France Universités, dès le 10 mars 2022, avait annoncé qu’elle suspendait son protocole d’accord avec l’Union des recteurs de Russie qui, dans un communiqué, avait affiché son soutien à l’invasion de l’Ukraine.
« Il faut faire très attention lorsque ce qui tombe sous le sens pour les Russes ne tombe pas sous le sens pour d’autres Etats, prévient Bertrand Badie. La requête, de la part des étudiants mobilisés, est totalement légitime : nous devons prendre le temps de fixer par la concertation des critères qui permettraient de décider soit d’un boycott soit de continuer à coopérer avec les universités, qu’elles soient israéliennes ou russes. »
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