Le 1er mai 2003, sur le porte-avions Abraham-Lincoln, George W. Bush annonçait avec emphase la victoire de l’armée américaine en Irak dans l’opération « liberté de l’Irak »… Peu de temps après, le pays plongeait dans une tragédie sans fin dont il ne s’est toujours pas vraiment relevé.
Vingt ans plus tard, le 19 octobre 2023, Joe Biden, conscient de l’état d’esprit du premier ministre israélien au lendemain des odieux massacres du 7 octobre perpétrés par le Hamas et pensant à ce désastre irakien, lui lance cet avertissement, lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv : « Ne faites pas les mêmes erreurs que nous ».
Comme emporté par le vertige de pouvoir que lui confère sa toute-puissance sur une puissante armée, Benyamin Nétanyahou ne l’a pas entendu. Il faut le prendre très au sérieux quand il répète qu’il mène une guerre totale pour une victoire qui le serait tout autant, et ne pas être dupe des objectifs qu’il énonce.
Au moins jusqu’au 5 novembre
Quand il prétend vouloir éradiquer le Hamas, il veut en réalité liquider la question palestinienne dans toutes ses dimensions, y compris l’UNRWA [Office de l’ONU d’aide aux réfugiés de Palestine, que l’exécutif israélien accuse de connivence avec le Hamas].
Quand il prétend en finir avec le Hezbollah pour permettre à 8 0000 Israéliens de rentrer chez eux dans le Nord, il veut en fait imposer une domination sans partage sur le Liban pour contrôler, d’une manière ou d’une autre, son territoire de la frontière au Litani.
Pour arriver à ses fins, il ne conçoit qu’un moyen, un seul, le recours à la force, sans aucune limite, avec un mépris absolu pour les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU comme pour le droit international humanitaire. Dans cette logique, aucune place n’est laissée à la diplomatie même pour tenter de faire libérer les otages dont il n’a jamais fait une priorité. Nétanyahou a refusé le cessez-le-feu à Gaza comme il vient de récuser d’un revers de main la proposition franco-américaine d’une trêve au Liban.
Il peut agir ainsi parce qu’il sait que ses soutiens occidentaux ne le lâcheront pas. Où qu’il aille et quoi qu’il fasse. Les Etats-Unis ne feront rien pour le contrer au moins jusqu’au 5 novembre, date de l’élection présidentielle dont, espère-t-il sans doute, Donald Trump pourrait sortir vainqueur. D’ici là, l’administration Biden ne peut se permettre le moindre fléchissement dans son soutien à Tel-Aviv car cela risquerait d’être sanctionné par les électeurs.
Une Europe désunie
Nétanyahou sait aussi qu’il n’a rien à redouter d’une Europe désunie ; la France cherche avec détermination à s’interposer au Liban tandis que l’Allemagne continue de lui fournir une part importante des armes dont il a besoin. Il sait enfin que, pour de multiples raisons, l’Iran n’interviendra pas pour soutenir le Hezbollah, pas plus qu’il ne l’a fait au lendemain de l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh [chef du Hamas] à Téhéran, le 31 juillet. Et si, malgré tout, cela advenait, les plans d’une contre-attaque sont prêts : « J’ai un message, dit-il, pour les tyrans de Téhéran : si vous nous frappez, nous vous frapperons » [discours du 27 septembre à l’ONU].
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