A Detroit, l’ancienne gare abandonnée devient le symbole de la résurrection de la ville : « C’était notre Ellis Island »

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L’ancienne grande gare de Detroit, Michigan Central, dans le quartier de Corktown, le 15 mai 2024.

L’événement a été suivi dans le monde entier. Le 6 juin, la cérémonie de réouverture de la grande gare de Detroit, Michigan Central, désaffectée depuis 1988, a attiré 20 000 habitants mais aussi des millions de spectateurs à distance : les fans du rappeur Eminem, le plus célèbre des habitants de la ville américaine, producteur du show. L’artiste a interprété sa chanson Houdini pour la première fois en direct, avec l’orchestre symphonique de Detroit. Comme un hymne à la transformation : Michigan Central rouvre ses portes, non pas sous forme de gare, mais de centre dévolu à l’avenir de la mobilité. La cité de l’automobile, « Motor City », veut renaître en ville de la mobilité.

C’est Bill Ford, le président de Ford Motor, qui a tenu à faire revivre cet immeuble emblématique, symbole des hauts et des bas de la ville. En 2018, le constructeur automobile a acheté la gare désaffectée et très endommagée pour 90 millions de dollars (78 millions d’euros à l’époque) à la famille de Manuel Moroun, un entrepreneur de Detroit, et a injecté près de 900 millions dans les travaux.

La résurrection de Michigan Central doit faire oublier la faillite de Detroit en 2013, quelques années après la crise des subprimes, qui a failli emporter les géants de l’automobile. Faire oublier aussi la déshérence des quartiers entourant le centre historique de la ville (« Downtown », disent les Américains) gangrenés, depuis des décennies, par le trafic de drogue et la prostitution, et désertés par les classes moyennes ou aisées.

Six ans après le rachat du lieu, la profession de foi de Bill Ford trône dans le grand hall magnifiquement restauré : « Ce bâtiment raconte l’histoire de notre ville. Cette gare était notre Ellis Island. » Elle était en effet le point d’arrivée des futurs salariés des usines de son arrière-arrière-grand-père. La première d’entre elles, l’usine Ford de l’avenue Piquette, se visite encore. La deuxième, celle de Highland Park, est immortalisée au Detroit Institute of Arts par une fresque monumentale du peintre mexicain Diego Rivera. « Une fois que le dernier train s’est retiré [en 1988], écrit le milliardaire, [la gare] est devenue un lieu sans espoir, le symbole des temps difficiles, un monument aux combats que la ville a dû mener. » Sa réouverture est « une déclaration audacieuse pour dire que les meilleurs jours de Detroit sont à venir ».

Dans la gare Michigan Central, à Detroit, le 13 mai 2024.
Dans la gare Michigan Central, à Detroit, le 13 mai 2024.

Corktown est déjà en cours de gentrification – le quartier de Michigan Central porte le nom de la ville irlandaise dont venaient ses premiers habitants, dont Henry Ford. Mais, au-delà de ce quartier, toute la ville est déjà métamorphosée. Du dix-septième étage de l’ancienne gare, elle apparaît dans toute sa singularité. Au milieu du quartier historique, les grues encadrent une nouvelle tour en construction : Hudson’s Detroit, la première depuis les années 1970. Ce nouveau bâtiment accueillera, en 2025, le nouveau siège de General Motors, et sera le fleuron du promoteur immobilier Bedrock, propriété de Dan Gilbert.

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