L’affaire rassemble les maux qui minent Israël : d’une part l’effondrement moral du débat public, patent depuis le début de la guerre à Gaza, et d’autre part, la faiblesse des institutions face à des groupes fascistes soutenus par une part du gouvernement, qui exigent de faire primer la violence sur toute prétention au droit, pourvu qu’elle soit exercée par des juifs. Lundi 29 juillet, au moment où le gouvernement envisageait une opération d’envergure au Liban, une foule, parmi laquelle se trouvaient un parlementaire et un ministre, a envahi la base militaire de Sde Teiman, dans le désert du Néguev (sud), accaparant l’attention du pays et celle de l’état-major et du gouvernement.
Quelques heures plus tôt, la police militaire avait débarqué dans cette base, qui fait fonction de « centre de tri » des détenus gazaouis, pour y arrêter neuf réservistes, soupçonnés selon plusieurs médias israéliens d’avoir sodomisé un prisonnier palestinien. Ce dernier aurait été hospitalisé après avoir subi de graves blessures au rectum, qui l’ont laissé incapable de marcher. L’armée s’est contentée d’évoquer « des abus sérieux ».
L’arrivée de la police militaire à Sde Teiman a suscité des troubles. Des soldats ont d’abord contesté l’arrestation des neuf réservistes. Puis des groupes d’extrême droite religieuse ont appelé leurs partisans à se précipiter vers la base. La police, dirigée par un ministre suprémaciste, Itamar Ben Gvir, n’en a pas barré l’accès. Le parlementaire et le ministre du patrimoine qui galvanisaient cette petite foule, Zvi Soukkot et Amichai Eliyahou, sont issus de la même mouvance. Dans la soirée, des groupes de manifestants ont fini par pénétrer dans une seconde base, à Beit Lid, en Cisjordanie occupée, où les réservistes avaient été transférés et étaient interrogés. Ils ont envahi le bâtiment d’un tribunal militaire, puis un centre de détention, écartant les soldats aux cris de « traîtres ».
Lieu de non-droit
Parmi eux se trouvaient des hommes masqués, armés et en uniforme, certains portant l’insigne de la Force 100, une unité accusée de multiples violences sur les détenus. Tally Gotliv, une parlementaire du Likoud, le grand parti de droite au pouvoir, a encouragé les émeutiers à l’extérieur, avec deux autres députés d’extrême droite. Le chef du Parti travailliste, et ancien vice-chef d’état-major, Yaïr Golan, a demandé pour sa part une enquête du renseignement intérieur contre la Force 100, qu’il qualifie de « milice s’employant à menacer les corps souverains ».
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